Le Donjon des Maîtres
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 histoire d'horreur

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Fanfan la Tulipe
bob
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bob
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bob


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MessageSujet: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:03

voila une histoire d'horreur elle est un peu longue mais elle est tr`s bonne prenez le temps de la lire sa été vraiment long a copier



Il y avait en 1775, sur la lisière de la forêt d'Epping, à une distance d'environ douze milles de Londres (en mesurant du Standard[4] dans Cornhill, ou plutôt de l'endroit sur lequel ou près duquel le Standard avait accoutumé d'être aux temps jadis), un établissement public appelé le Maypole[5], comme pouvaient le voir tous ceux des voyageurs qui ne savaient ni lire ni écrire (et, il y a soixante-six ans, il n'y avait pas besoin d'être voyageur pour se trouver dans ce cas-là), en regardant l'emblème dressé sur le bas côté de la route en face dudit établissement. Ce n'est pas que cet emblème eût les nobles proportions des maypoles plantés d'ordinaire dans les anciens temps ; mais ce n'en était pas moins un beau jeune frêne, de trente pieds de haut et droit comme n'importe quelle flèche qu'un arbalétrier de la yeomanry d'Angleterre ait jamais pu tirer.



Le Maypole (ce terme exprime à partir d'à présent la maison, et non pas son emblème), le Maypole était un vieux bâtiment avec plus de bouts de chevron sur le pignon qu'un désœuvré ne se soucierait d'en compter par un jour de soleil ; avec de grandes cheminées en zigzag d'où il semblait que la fumée elle-même ne pouvait sortir, quoi qu'elle en eût, que sous des formes naturellement fantastiques, grâce à sa tortueuse ascension ; enfin avec de vastes écuries, sombres, tombant en ruine, et vides. Cette habitation passait pour avoir été construite à l'époque de Henry VIII, et il existait une légende comme quoi non seulement la reine Elisabeth, durant une excursion de chasse, avait couché là une nuit, dans une certaine chambre à boiseries de chêne avec fenêtre à large embrasure, mais encore comme quoi le lendemain, debout sur un montoir devant la porte, un pied à l'étrier, la vierge monarque avait donné deçà et delà force coups de poing et force soufflets à un pauvre page pour quelque négligence dans son service. Les gens positifs et sceptiques, en minorité parmi les habitués du Maypole, comme ils le sont malheureusement dans chaque petite communauté, inclinaient à regarder cette tradition comme un peu apocryphe ; mais quand le maître de l'antique hôtellerie en appelait au témoignage du montoir lui-même, quand d'un air de triomphe il faisait voir que le bloc était demeuré immobile à sa propre place jusqu'au jour d'aujourd'hui, les douteurs ne manquaient jamais d'être terrassés par une majorité imposante, et tous les vrais croyants triomphaient de leur défaite.



Que ces récits, et beaucoup d'autres du même genre, fussent authentiques ou controuvés, le Maypole n'en était pas moins réellement une vieille maison, une très vieille maison, aussi vieille peut-être qu'elle prétendait l'être, peut-être même plus vieille, ce qui arrive parfois aux maisons d'un âge incertain tout comme aux dames d'un certain âge. Ses fenêtres avaient de vieux carreaux à treillis, ses planchers étaient affaissés et inégaux, ses plafonds étaient noircis par la main du temps et alourdis par des poutres massives. Au-dessus de la porte et du passage était un ancien porche sculpté d'une façon bizarre et grotesque ; c'est là que, les soirs d'été, les pratiques favorites fumaient et buvaient, et chantaient aussi, pardieu ! quelquefois mainte bonne chanson, en se reposant sur des sièges à dossier élevé, de mine rébarbative, qui, semblables à des dragons jumeaux de je ne sais plus quel conte de fée, gardaient l'entrée du manoir.



Dans les cheminées des chambres hors d'usage, les hirondelles maçonnaient leurs nids depuis de bien longues années, et, du commencement du printemps à la fin de l'automne, des colonies entières de moineaux gazouillaient au bord des toits et des gouttières. Il y avait dans la cour de la sombre écurie et sur les bâtiments extérieurs, plus de pigeons que n'en saurait compter tout autre amateur qu'un aubergiste. Les vols circulaires et tournoyants des pigeons mignons, des pigeons à queue en éventail, des pigeons culbutants, des pigeons francolins, ne s'accordaient peut-être pas complètement avec le caractère grave et sévère de l'édifice ; mais le monotone roucoulement que ne cessaient d'entretenir, tant que durait le jour, quelques-uns de ces volatiles, seyait à merveille au Maypole et paraissait l'inviter à dormir. Avec ses étages superposés, ses petites vitres brouillées et comme assoupies, sa façade bombante et surplombant sur la chaussée, la vieille maison avait l'air de pencher la tête dans son sommeil. Véritablement, il ne fallait pas un très grand effort d'imagination pour y découvrir d'autres ressemblances encore avec l'humanité. Les briques dont elle était bâtie avaient été primitivement d'un gros rouge foncé, mais elles étaient devenues jaunes et décolorées comme la peau d'un vieillard ; les solides charpentes étaient tombées, comme tombent les dents d'une vieille mâchoire, et çà et là le lierre, tel qu'un chaud vêtement propre à réconforter son grand âge, enveloppait et serrait de ses vertes feuilles les murailles rongées par le temps.



C'était pourtant une vieillesse robuste encore et généreuse ; et les soirs d'été ou d'automne, quand le soleil couchant illuminait les chênes et les châtaigniers de la forêt voisine, la vieille maison, partageant leur éclat, semblait être leur digne compagne et pouvait se flatter d'avoir dans le corps beaucoup de bonnes années encore à vivre.



La soirée dont il s'agit pour nous n'était ni une soirée d'été ni une soirée d'automne, mais le crépuscule d'un jour de mars. Le vent hurlait alors d'une manière effrayante à travers les branches nues des arbres, et en grondant sourdement dans les amples cheminées, en fouettant la pluie contre les fenêtres de l'auberge du Maypole, il donnait à ceux des habitués qui s'y trouvaient en ce moment une incontestable raison d'y prolonger leur séance, en même temps qu'il permettait à l'aubergiste de prophétiser que le ciel devait s'éclaircir juste à onze heures sonnantes, ce qui coïncidait étonnamment avec l'heure où il fermait toujours sa maison.



Le nom de celui sur lequel descendait ainsi l'inspiration prophétique, était John Willet, homme corpulent, à large tête, dont la face rebondie dénotait une profonde obstination et une rare lenteur d'intelligence, combinées avec une confiance vigoureuse en son propre mérite. La vanterie ordinaire de John Willet, dans sa plus grande tranquillité d'humeur, consistait à dire que, s'il n'était pas prompt d'esprit, au moins il était sûr et infaillible ; assertion qui du moins ne pouvait être contredite, lorsqu'on le voyait en toute chose l'opposé de la promptitude, comme aussi l'un des gaillards les plus bourrus, les plus absolus qui fussent au monde, toujours sûr que ce qu'il disait, pensait ou faisait était irréprochable, et le tenant pour une chose établie, ordonnée par les lois de la nature et de la Providence, si bien que n'importe qui disait, faisait ou pensait autrement, devait être inévitablement et de toute nécessité dans son tort.



M. Willet marcha lentement vers la fenêtre, aplatit son nez grassouillet contre la froide vitre, et, ombrageant ses yeux pour que la rouge lueur de l'âtre ne gênât point sa vue, il regarda au dehors. Puis il retourna lentement vers son vieux siège, dans le coin de la cheminée, et s'y installant avec un léger frisson, comme un homme qui aurait assez pâti du froid pour sentir mieux les délices d'un feu qui réchauffe et qui brille, il dit en regardant ses hôtes à la ronde :



« Le ciel s'éclaircira à onze heures sonnantes, ni plus tôt ni plus tard. Pas avant et pas après.



– À quoi devinez-vous ça ? dit un petit homme dans le coin d'en face ; la lune n'est plus en son plein, et elle se lève à neuf heures. »



John regarda paisiblement et solennellement son questionneur, jusqu'à ce qu'il fût bien sûr d'avoir réussi à saisir la portée de l'observation, et alors il fit une réponse d'un ton qui semblait signifier que la lune était son affaire personnelle, et que nul autre n'avait rien à y voir.



« Ne vous inquiétez pas de la lune. Ne vous donnez pas cette peine-là. Laissez la lune tranquille, et moi je vous laisserai tranquille aussi.



– Je ne vous ai pas fâché, j'espère ? » dit le petit homme.



Derechef John attendit à loisir jusqu'à ce que l'observation eût pénétré dans son cerveau, et alors répliquant : « Fâché ? non, pas jusqu'à présent ; » il alluma sa pipe, et fuma dans un calme silence. Il jetait de temps en temps un coup d'œil oblique sur un homme enveloppé d'une ample redingote, avec de larges parements ornés de galons d'argent tout ternis, et de grands boutons de métal. Cet homme était assis à part de la clientèle régulière de l'établissement ; il portait un chapeau rabattu sur sa figure, ombragée d'ailleurs par la main sur laquelle reposait son front. Il avait l'air assez peu sociable.



Un autre étranger était assis également, botté et éperonné, à quelque distance du feu. Ses pensées, à en juger par ses bras croisés, ses sourcils froncés, et le peu de souci qu'il avait de la liqueur qu'il laissait devant lui sans y goûter, s'occupaient de tout autre chose que du sujet de la conversation, ou des messieurs qui conversaient ensemble. C'était un jeune homme d'environ vingt-huit ans, d'une taille un peu au-dessus de la moyenne, et, quoique d'une figure assez mignonne, à la grâce il joignait la vigueur. Il portait ses propres cheveux noirs ; il avait un costume de cavalier, et ce vêtement, ainsi que ses grandes bottes (semblables pour la forme et le style à celles de nos Life-Guards[6] d'aujourd'hui), montrait d'incontestables traces du mauvais état des routes. Mais, tout souillé qu'il était de sa course, il était bien habillé, même avec richesse, quoique avec une simplicité de bon goût ; en un mot, il avait l'air d'un charmant gentleman.



Sur la table, à côté de lui, gisaient négligemment une lourde cravache et un chapeau à bords plats, qui sans doute convenait mieux à l'inclémence de la température. Il y avait aussi là une paire de pistolets dans leurs fontes, avec un court manteau de cavalier. On ne voyait de sa figure que les longs cils noirs qui cachaient ses yeux baissés ; mais un air d'aisance négligente et de grâce aussi parfaite que naturelle dans les attitudes circulait sur toute sa personne, et semblait même se répandre sur ces menus accessoires, tous beaux et en bon état.
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bob
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:05

Une seule fois M. Willet laissa ses yeux errer vers le jeune gentleman, comme pour lui demander à la muette s'il avait remarqué son silencieux voisin. Évidemment John et le jeune gentleman s'étaient souvent rencontrés à une époque antérieure. Comme son coup d'œil ne lui avait pas été rendu, et n'avait pas même été remarqué par la personne à qui il l'avait adressé, John concentra graduellement toute sa puissance visuelle dans un foyer unique, pour la braquer sur l'homme au chapeau rabattu. Il en vint même, à la longue, à une fixité de regard d'une intensité si notable, qu'elle frappa ses compères du coin du feu. Tous, d'un commun accord, ôtant leurs pipes de leurs lèvres, se mirent également à considérer l'étranger, l'œil fixe, la bouche béante.



Le robuste aubergiste avait une paire de grands yeux stupides comme des yeux de poisson, et le petit homme qui avait hasardé la remarque au sujet de la lune (il était sacristain et sonneur de Chigwell, village situé tout près du Maypole) avait de petits yeux ronds, noirs et brillants comme des grains de rosaire. Ce petit homme portait en outre aux genouillères de sa culotte d'un noir de rouille, sur son habit du même ton, et du haut en bas de son gilet à pans rabattus, de petits boutons bizarres qui ne ressemblaient à rien qu'à ses yeux ; mais, par exemple, la ressemblance était si frappante, que, lorsqu'ils étincelaient et chatoyaient à la flamme de l’âtre également reflétée sur les boucles luisantes de ses souliers, il paraissait tout yeux des pieds à la tête. et l'on eût dit qu'il employait chacun d'eux à contempler le chaland inconnu. Qui s'étonnerait qu'un homme devînt mal à son aise sous le feu d'une pareille batterie, sans parler des yeux appartenant à Tom Cobb le courtaud, marchand de chandelles et buraliste de la poste ; puis encore au long Philippe Parkes, le garde forestier, qui tous deux, gagnés par la contagion de l'exemple, regardaient non moins fixement l'homme au chapeau rabattu ?



L'étranger finit par devenir mal à son aise ; peut-être était-ce de se voir exposé à cette fusillade de regards inquisiteurs : peut-être cela dépendait-il de la nature de ses méditations précédentes ; plus probablement de la dernière cause : car, lorsqu'il changea sa position et jeta à la hâte un regard autour de lui, il tressaillit de se trouver le point le mire de regards si perçants, et il lança au groupe de la cheminée un coup d'œil colère et soupçonneux, Ce coup d'œil eut pour effet de détourner immédiatement tous les yeux vers l'âtre, excepté ceux de John Willet, lequel, se voyant pris en quelque sorte sur le fait, et n'étant pas (comme nous l'avons déjà constaté) d’un naturel très vif, restait seul à contempler son hôte d’une façon singulièrement gauche et embarrassée.



« Eh bien ? » dit l'étranger.



Eh bien ! il n'y avait pas grand-chose dans cet Eh bien-là, ce n'était pas un long discours.



« J'avais cru que vous demandiez quelque chose, » dit l'aubergiste après une pause de deux ou trois minutes, pour se donner le temps de la réflexion.



L'étranger ôta son chapeau et découvrit les traits durs d’un homme de soixante ans ou environ. Ils étaient fatigués et usés par le temps. Leur expression, naturellement rude, n'était pas adoucie par un foulard noir serré autour de sa tête, et qui, tout en tenant lieu de perruque, ombrageait son front et cachait presque ses sourcils Était-ce pour distraire les regards et leur dérober une profonde balafre à présent cicatrisée en une laide couture, mais qui, lorsqu'elle était fraîche, avait dû mettre à nu la pommette de la joue ? Si c'était là son but, il n'y réussissait guère, car elle sautait aux yeux. Son teint était d’une nuance cadavéreuse, et il avait une barbe grise, déjà longue de quelque trois semaines de date. Tel était le personnage (très piètrement vêtu) qui se leva alors de son siège et vint, en se promenant à travers la salle, se rasseoir dans le coin de la cheminée, que lui céda très vite le petit sacristain, par politesse ou par crainte.



« Un voleur de grand chemin ! chuchota Tom Cobb à Parkes, le garde forestier.



– Croyez-vous que les voleurs de grand chemin n'ont pas un plus beau costume que celui-là ? repartit Parkes C'est, quelque chose de mieux que ce que vous pensez, Tom. Les voleurs de grand chemin ne sont pas des gueux en guenilles, ce n'est pas dans leurs goûts ni dans leurs habitudes, je vous en donne ma parole. »



Pendant ce dialogue, le sujet de leurs conjectures avait fait à l'établissement l’honneur de demander quelque breuvage, qui lui avait été servi par Joe[7], fils de l’aubergiste, gars d'une vingtaine d’années, à larges épaules bien découplé, que son père se plaisait encore à considérer comme un petit garçon, et à traiter en conséquence. Étendant ses mains pour les réchauffer au feu de l'âtre, l'homme tourna la tête du côté de la compagnie, et, après l'avoir parcourue d'un regard perçant, il dit, d'une voix bien appropriée à son extérieur :



« Quelle est donc cette maison qui se trouve à environ un mille d'ici ?



– Un cabaret ? dit l'aubergiste de son ton habituel.



– Un cabaret, père ! se récria Joe. Y pensez-vous ? un cabaret à un mille environ du Maypole ? Il veut parler de la grande maison, la Garenne, rien de plus clair. N'est-ce pas, monsieur, la vieille maison en briques rouges, bâtie sur ses propres terres ?



– Oui, dit l'étranger.



– Et qui était, il y a quinze ou vingt ans, au milieu d'un parc cinq fois aussi vaste. Ce parc, ainsi que d'autres domaines plus riches, a changé de mains pièce à pièce et a disparu. C'est bien dommage, poursuivit le jeune homme.



– Possible, fut la réplique. Mais ma question concernait le propriétaire. Ce qu'a été la maison, je ne m'en soucie guère ; et pour ce qu'elle est, je peux bien le voir par moi-même. »



L'héritier présomptif du Maypole pressa ses lèvres de son doigt ; et lançant un coup d'œil du côté du jeune gentleman que nous avons déjà fait connaître, et qui avait changé d'attitude la première fois qu'on avait parlé de la maison, il répliqua d'un ton moins haut :



« Le propriétaire se nomme Haredale, M. Geoffroy Haredale, et… (il lança de nouveau un coup d'œil dans la même direction) et un digne gentleman encore… Hem ! »



Ne faisant pas plus attention à cette toux d'avertissement qu'au geste significatif dont elle avait été précédée, l'étranger continua son rôle de questionneur.



« Je me suis détourné de mon chemin en venant ici, et j'ai pris le sentier pour traverser les terres de cette Garenne. Quelle est la jeune dame que j'ai vue monter en voiture ? serait-ce sa fille ?



– Mais comment le saurais-je, mon brave homme ? répliqua Joe, qui essayait, tout en faisant quelques rangements autour de l'âtre, de s'avancer près de son questionneur et de le tirer par la manche ; je n'ai jamais vu la jeune dame dont vous parlez. Aïe !… Encore du vent et de la pluie ! Bon, en voilà une soirée !



– Diable de temps, en effet ! observa l'étranger.



– Vous y êtes habitué, n'est-ce pas ? dit Joe, saisissant tout ce qui semblait promettre une diversion au sujet de l'entretien.



– Mais oui, pas mal comme ça, repartit l'autre. Revenons donc à la jeune dame. Est-ce que M. Haredale a une fille ?



– Non, non, dit le jeune homme impatienté ; il est célibataire… il est… laissez-nous donc un peu tranquilles, mon brave homme, si c'est possible. Ne voyez-vous pas bien qu'on ne goûte pas trop là-bas votre conversation ? »



Sans tenir compte de cette remontrance chuchotée, et faisant semblant de ne pas l'entendre, le bourreau poursuivit, de manière à pousser Joe à bout :



« La belle raison ! Ce n'est pas la première fois que des célibataires ont eu des filles. Comme si elle ne pouvait pas être sa fille sans qu'il fût marié !



– Je ne sais pas ce que vous voulez dire, » répondit Joe, ajoutant d'un ton plus bas et en se rapprochant de lui : « Ah çà ! vous le faites donc exprès, hein ?



– Ma foi ! je n'ai pas du tout de mauvaise intention. Je ne vois pas de mal à ça. Je fais quelques questions, ainsi que tout étranger peut le faire naturellement, sur les habitants d'une maison remarquable, dans un pays nouveau pour moi, et vous voilà tout troublé, tout effaré, comme si je conspirais contre le roi Georges !… Ne pouvez-vous pas, monsieur, me donner tout bonnement cette explication ? car enfin, je vous le répète, je suis étranger ; et tout ça, c'est de l'hébreu pour moi. »



La dernière observation était adressée à la personne qui causait évidemment l'embarras de Joe Willet. Elle s'était levée, mettait son manteau de voyage et se préparait à sortir. Ayant répondu d'une manière brève qu'il ne pouvait pas lui donner de renseignements, le jeune homme fit un signe à Joe, lui tendit une pièce de monnaie pour payer sa dépense, et s'élança dehors, accompagné du jeune Willet lui-même, qui prit une chandelle pour le suivre et l'éclairer jusqu'à la porte.



Pendant que Joe s'absentait pour s'acquitter de cet office, le vieux Willet et ses trois compagnons continuèrent à fumer avec une extrême gravité, dans un profond silence, ayant chacun leurs yeux fixés sur un chaudron de cuivre qui était pendu à la crémaillère sur le feu. Au bout de quelque temps, John Willet secoua lentement la tête, et là-dessus ses amis secouèrent aussi lentement la tête, mais sans que personne détournât ses yeux du chaudron, et sans rien changer à l'expression solennelle de leur physionomie.
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:05

Enfin Joe rentra, fort causeur et fort conciliant, comme un homme qui s'attend à être grondé et qui voudrait esquiver le coup.



« Ce que c'est que l'amour ! dit-il en avançant une chaise près du feu et jetant à la ronde un regard qui cherchait la sympathie. Il vient de partir pour Londres, tout du long, rien que ça. Son bidet, qu'il a rendu boiteux à le faire galoper ici cette après-midi, venait à peine de se reposer sur une confortable litière dans notre écurie il n'y a qu'un instant ; et lui-même le voilà qui renonce à un bon souper bien chaud et à notre meilleur lit… pourquoi ? parce que Mlle Haredale est allée à un bal masqué à Londres, et qu'il met la joie de son cœur à la voir. Ce n'est pas moi qui ferais ça, toute belle qu'elle est. Mais moi, je ne suis pas amoureux, ou ce serait donc sans le savoir ; et ça fait une fière différence.



– Il est donc amoureux, dit l'étranger ?



– Un peu, répliqua Joseph : il pourrait bien l'être moins, mais il ne peut pas l'être plus.



– Silence, monsieur ! cria le père.



– Quel luron vous faites, Joseph ! dit le long Parkes.



– Peut-on voir un garçon plus inconsidéré ! murmura Tom Cobb.



– Se lancer comme ça ! tordre et arracher le nez de son propre père ! exclama le sacristain par forme de métaphore.



– Qu'est-ce que j'ai donc fait ? répliqua le pauvre Joe.



– Silence, monsieur ! repartit son père ; pourquoi vous avisez-vous de parler, quand vous voyez des gens qui ont deux ou trois fois votre âge rester tranquillement assis sans souffler mot ?



– Eh bien alors, n'est-ce pas justement le bon moment de parler ? dit Joe d’un air mutin.



– Le bon moment, monsieur ! riposta son père, le bon moment ! il n'y a pas de bon moment !



– Ah ! certainement, marmotta Parkes en penchant gravement la tête vers les deux autres, qui penchèrent leur tête par réciproque, et qui murmurèrent tout bas que l'observation était d'une grande justesse.



– Oui, monsieur, le bon moment, c'est le moment de se taire, répéta John Willet, quand j'étais à votre âge, jamais je ne parlais, je n'avais jamais la démangeaison de parler, j'écoutais pour m'instruire… Voilà ce que je faisais, moi.



– Et voilà ce qui fait que vous avez dans votre père un rude jouteur pour le raisonnement, Joe, dit Parkes, si tant est que personne se frotte à raisonner avec lui.



– Quant à cela, Philippe, observa M. Willet en soufflant d'un coin de sa bouche un nuage de fumée long, mince et sinueux, et en le regardant d'un air abstrait flotter et disparaître, quant à cela, Philippe, le raisonnement est un don de la nature. Si la nature doue un homme des puissances du raisonnement, un homme a le droit de s'en faire honneur, il n'a pas le droit de s'en tenir à une fausse modestie et de nier qu'il ait reçu ce don-là : car c'est tourner le dos à la nature, c'est se moquer d'elle, c’est mésestimer ses plus précieux cadeaux, c’est se ravaler jusqu'au pourceau, qui ne mérite pas qu'elle jette ses perles devant lui. »



L'aubergiste ayant fait une longue pause, M. Parkes en conclut naturellement que le discours était terminé aussi, se tournant avec un air austère vers le jeune homme, il s'écria :



« Vous entendez, ce que dit votre père, Joe ? Vous n'aimeriez pas trop à vous frotter à lui pour le raisonnement, n'est-ce pas ?



– Si…, dit John Willet en reportant ses yeux du plafond au visage de son interrupteur, et en articulant le monosyllabe comme avec des majuscules, pour lui apprendre qu'il avait fait un pas de clerc en s'engageant avec une précipitation malséante et irrespectueuse, si la nature m'avait conféré, monsieur, le don du raisonnement, pourquoi ne l'avouerais-je pas, ou plutôt pourquoi ne m'en glorifierais-je pas ? Oui, monsieur, je suis un rude jouteur de ce côté-là. Vous avez raison, monsieur : j'ai fait mes preuves, monsieur, dans cette salle mainte et mainte fois, comme vous le savez, je pense ; ou si vous ne le savez pas, ajouta John remettant sa pipe à sa bouche, tant mieux, car je n'ai pas d'orgueil, et ce n'est pas moi qui irai vous le conter. »



Un murmure général de ses trois compères, accompagné d'un mouvement général de leurs têtes approbatives, toujours dans la direction du chaudron de cuivre, assura John Willet qu'ils avaient trop bien expérimenté ses facultés puissantes, et qu'ils n'avaient pas besoin de preuves ultérieures pour être convaincus de sa supériorité. John n'en fuma qu'avec plus de dignité, les examinant en silence.



« Une très jolie conversation, marmotta Joe, qui s'était remué sur sa chaise avec des gestes de mécontentement. Mais si vous entendez me dire par là que je ne dois jamais ouvrir la bouche…



– Silence, monsieur ! vociféra le père. Non, vous ne le devez jamais. Quand on vous demande votre avis, donnez-le. Quand on vous parle, parlez. Quand on ne vous demande pas votre avis et qu'on ne vous parle pas, ne donnez pas votre avis et ne parlez pas. Ma foi ! le monde a subi un beau changement depuis ma jeunesse. Je crois, vraiment, qu'il n'y a plus d'enfants ; qu'il n'y en a plus du tout d'enfants ; qu'il n'y a plus de différence entre un moutard et un homme, et que tous les enfants sont partis de ce monde avec feu Sa Majesté le roi George Il.



– Voilà une observation très juste, en exceptant toujours les jeunes princes, dit le sacristain, qui, en sa double qualité de représentant de l'Église et de l'État dans cette compagnie, se croyait tenu à la plus parfaite fidélité envers ses souverains. Si c'est d'institution divine et légale que les petits garçons, tant qu'ils sont encore dans l'âge où l'on est petit garçon, se conduisent comme des petits garçons, il faut bien que les jeunes princes soient des petits garçons, et ils ne sauraient être autre chose.



– Avez-vous jamais, monsieur, entendu parler de sirènes ? dit M. Willet.



– Certainement, j'en ai entendu parler, répliqua le sacristain.



– Très bien, dit M. Willet. D’après la constitution des sirènes, tout ce qui, dans la sirène, n’est point femme, doit être poisson. D’après la constitution des jeunes princes, tout ce qui, dans un jeune prince, si c’est possible, n'est pas réellement ange, doit être divin et légal. En conséquence, s'il est convenable, divin et légal que les jeunes princes (comme cela l'est à leur âge) soient des petits garçons, ils sont et doivent être des petits garçons, et il est de toute impossibilité qu'ils soient autre chose. »



Cette élucidation d'un point épineux ayant été reçue avec des marques d’approbation bien propres à mettre John Willet de bonne humeur il se contenta de répéter à son fils l’ordre de garder le silence, et s'adressant à l’étranger : « Monsieur, dit-il, si vous aviez posé vos questions à une grande personne, à moi ou à l'un de ces messieurs, on vous eût satisfait, et vous n'eussiez pas perdu vos peines. Mlle Haredale est la nièce de M. Geoffroy Haredale.



– Son père existe-t-il ? dit l'homme négligemment.



– Non, répliqua l’aubergiste, il n'existe plus, et il n'est pas mort.



– Pas mort ! s’écria l’autre.



– Pas mort comme on l’est généralement. » dit l'aubergiste.



Les compères inclinèrent leurs têtes l'un vers l’autre, et M. Parkes, en secouant quelque temps la sienne comme pour dire « Allons ! allons ! qu'on ne vienne pas me contredire là-dessus, car personne ne me ferait croire le contraire », dit à voix basse : « John Willet est ce soir d’une force étonnante, et capable de tenir tête à un président de cour de justice. »



L'étranger laissa s’écouler quelques moments sans rien dire, puis ensuite il demanda d'une manière un peu brusque :



« Qu'entendez-vous par là ?



– Plus que vous ne pensez, l’ami, répondit John Willet. Il y a peut-être plus de portée dans ces mots-là que vous ne le soupçonnez.



– Ça peut bien être, dit l’étranger d'un ton bourru, mais pourquoi diable parlez-vous d’une façon si mystérieuse ? Vous me dites d'abord qu’un homme n’existe plus, et que cependant il n'est pas mort, puis qu'il n’est pas mort comme on l’est généralement, puis que vous entendez par là beaucoup plus de choses que je ne pense. Eh bien ! je vous le répète, qu'entendez-vous par là ?
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:06

– C'est que, répondit l'aubergiste un peu ébranlé dans sa dignité par l'humeur rudanière de son hôte, c'est une histoire du Maypole, et qui a bien quelque vingt-quatre ans. Cette histoire est l'histoire de Salomon Daisy : elle appartient à l'établissement ; et personne autre que Salomon Daisy ne l'a jamais racontée sous ce toit, ni personne que lui ne la racontera jamais, c'est bien plus fort. »



L'homme lança un regard au sacristain. Celui-ci, dont l'air important et capable témoignait ouvertement que c'était lui dont l'aubergiste venait de parler, avait commencé par retirer sa pipe de ses lèvres après une longue aspiration pour l'entretenir allumée, et se disposait évidemment à raconter son histoire sans se faire prier davantage ; ce que voyant, l'étranger ramassa son large manteau autour de lui, et, se retirant plus en arrière, se trouva presque perdu dans l'obscurité du coin de la spacieuse cheminée, si ce n'est lorsque la flamme, parvenant à se dégager de dessous le gros fagot dont le poids l'avait presque étouffée pendant quelque temps, jaillit en haut avec un soudain et violent éclat, et, illuminant un moment sa figure, parut ensuite la rejeter dans une obscurité plus profonde qu'auparavant.



À la lueur de cette clarté voltigeante, qui faisait que la vieille maison, avec ses lourdes poutres et ses murailles boisées, avait l'air d'être construite en ébène polie, le vent rugissant et hurlant au dehors, tantôt secouant de toutes ses forces le loquet, tantôt faisant grincer les gonds de la solide porte de chêne, tantôt enfin venant battre le châssis comme s'il allait l'enfoncer ; à la lueur de cette clarté, dis-je, et dans des circonstances si propices, Salomon Daisy commença son histoire :



« C'était M. Reuben Haredale, frère aîné de M. Geoffroy. » Ici, il eut une espèce d'accroc, et fit une si longue halte, que John Willet lui-même en éprouva de l'impatience, et demanda pourquoi il ne continuait pas.



« Cobb, dit Salomon Daisy baissant la voix et interpellant le buraliste de la poste, le combien sommes-nous du mois ?



– Le dix-neuf.



– De mars, dit le sacristain en se penchant en avant, le dix-neuf de mars, c’est fort extraordinaire. »



Tous répétèrent à voix basse que c'était fort extraordinaire et Salomon poursuivit.



« C'était M. Reuben Haredale, frère de M. Geoffroy, qui était, il y a vingt-deux ans, le propriétaire de la Garenne, laquelle Garenne comme l'a dit Joe (non pas que vous vous rappeliez cela, Joe, c'est trop ancien pour un jouvenceau de votre âge, mais vous me l'avez entendu dire), était un domaine plus vaste et bien meilleur, une propriété d'une valeur bien plus considérable qu'aujourd’hui. Son épouse venait de mourir, lui laissant un enfant, Mlle Haredale, l'objet de vos informations, elle avait alors un an à peine. »



Quoique l'orateur se fut adressé à l'homme qui avait montré tant de curiosité à l'égard de cette famille, et qu’il eût fait là une pause, comme s'il attendait quelque exclamation de surprise et d'encouragement, ce dernier ne fit aucune remarque, aucun signe qui pût seulement faire croire qu'il eût entendu ce qu'on venait de dire ni qu’il y prît le moindre intérêt. Salomon se tourna en conséquence vers ses vieux camarades, dont les nez étaient brillamment illuminés par la lueur rouge foncé des fourneaux de leurs pipes. Assuré par une longue expérience de leur attention, et résolu à faire voir qu'il sentait toute l'indécence d'une conduite pareille :



« M. Haredale, dit Salomon en tournant le dos à l’étranger, quitta ce domaine après la mort de son épouse, il s'y trouvait trop isolé, et s'en alla à Londres où il séjourna quelques mois, mais se trouvant dans cette ville tout autant isolé qu'ici (je le suppose du moins, et je l'ai toujours ouï dire), il revint tout à coup avec sa petite fille à la Garenne, amenant en outre avec lui ce jour-là seulement deux femmes de service, son intendant et un jardinier »



M. Daisy s'arrêta pour faire un nouvel appel à sa pipe qui allait s'éteindre, et il continua, d’abord d’un ton nasillard causé par la mordante jouissance du tabac et l'énergique aspiration qu'exigeait l'entretien de son instrument, mais ensuite avec une netteté de voix toujours croissante.



« Amenant avec lui, ce jour-là, deux femmes de service, son intendant et un jardinier, le reste de ses gens avait été laissé à Londres et devait venir le lendemain. Il arriva que, ce même soir, un vieux gentleman qui demeurait à Chigwell-row, où il avait longtemps vécu pauvrement, décéda, et que je reçus à minuit et demi l'ordre d'aller sonner le glas des trépassés. »



Il y eut ici dans le petit groupe des auditeurs un mouvement qui indiqua d'une manière sensible la forte répugnance que chacun d'entre eux aurait éprouvée à sortir à pareille heure pour une pareille commission. Le sacristain s'aperçut de ce mouvement, le comprit et développa son thème en conséquence.



« Oui, ce n'était pas gai, allez ; d'autant plus que, comme le fossoyeur était alité, à force d'avoir travaillé dans un sol malsain, et pour s'être assis en prenant son repas sur la pierre froide d'une tombe, il me fallait absolument aller seul, car une heure si avancée ne me laissait pas l'espoir de trouver quelque autre compagnon. J'étais cependant un peu préparé à cela ; le vieux gentleman avait souvent demandé que l'on tintât la cloche le plus tôt possible après son dernier soupir ; et depuis quelques jours on s'attendait à le voir passer d'un moment à l'autre. Je fis donc contre fortune bon cœur, et, bien emmitouflé, car c'était par un froid mortel, je m’élançai dehors, tenant d'une main ma lanterne allumée et de l'autre la clef de l'église.



À cet endroit du récit, le vêtement de l'étranger rendit un froissement, comme s'il se fût tourné pour entendre d'une manière plus distincte. Regardant avec dédain par-dessus son épaule, Salomon haussa les sourcils, inclina la tête, et fit l'œil à Joe pour savoir si en effet le monsieur se dérangeait pour écouter. Joe, ombrageant ses yeux avec sa main, sonda l'encoignure ; mais, ne pouvant rien découvrir, il secoua la tête comme pour dire non.



« C'était précisément une nuit telle que celle-ci. L'ouragan sifflait, il pleuvait à torrents, le ciel était plus noir que je ne l'ai jamais vu, ni avant ni depuis. C'est peut-être une idée ; mais les maisons étaient toutes bien closes, les gens étaient chez eux, et il n'y a peut-être que moi qui sache réellement combien il faisait noir. J'entrai dans l'église, j'attachai la porte en arrière avec la chaîne, de sorte qu'elle restât entrebâillée : car, pour dire la vérité, je n'aurais pas voulu être enfermé là tout seul, et, posant ma lanterne sur le siège de pierre, dans le petit coin où est la corde de la cloche, je m'assis à côté pour moucher la chandelle.



« Je m'assis pour moucher la chandelle, et, quand j'eus fini de la moucher, je ne pus point me résoudre à me lever et à me mettre à l'ouvrage. Je ne sais pas comment cela se fit, mais je pensais à toutes les histoires de fantômes que j'avais entendu raconter, même à celles que j'avais entendu raconter quand j'étais petit garçon à l'école, et que j'avais oubliées depuis longtemps, et notez bien qu'elles ne me revenaient pas à l'esprit une à une, mais toutes à la fois, et comme en bloc.



« Je me rappelai une histoire de notre village, comme quoi il y avait une certaine nuit dans l'année (rien ne me disait que ce ne fût pas cette nuit-là même), où tous les morts sortaient de terre et s'asseyaient au chevet de leurs propres fosses jusqu'au matin. Cela me fit songer combien de gens que j'avais connus étaient enterrés entre la porte de l'église et la porte du cimetière, et quelle chose effroyable ce serait que d'avoir à passer au milieu d'eux et de les reconnaître, malgré leurs figures terreuses, et quoique si différents d'eux-mêmes. Je connaissais depuis mon enfance toutes les niches et tous les arceaux de l'église ; cependant je ne pouvais me persuader que ce fût leur ombre que je voyais sur les dalles, mais j'étais convaincu qu'il y avait là une foule de laides figures qui se cachaient parmi ces ombres pour m'épier. Dans le cours de mes réflexions, je commençai à penser au vieux gentleman qui venait de mourir, et j'aurais juré, lorsque je regardais en haut le noir sanctuaire, que je le voyais à sa place accoutumée, s'enveloppant de son linceul, et frissonnant comme s'il eût senti froid. Tout ce temps, je restai assis écoutant, écoutant toujours, et n'osant presque pas respirer. À la fin je me levai brusquement et je pris dans mes mains la corde de la cloche. Au moment même sonna, non pas cette cloche, car j'avais à peine touché la corde, mais une autre.



« J'entendis sonner une autre cloche, et une fameuse cloche encore. Ce fut l'affaire d'un instant, car le vent emporta le son, mais je l'entendis. J'écoutai longtemps, mais plus rien. J'avais ouï dire que les morts avaient des chandelles à eux ; je finis par me persuader qu'ils pouvaient bien aussi avoir une cloche qui tintait d'elle-même à minuit pour les trépassés. Je tintai ma cloche, comment ou combien de temps, je n'en sais rien, et je courus regagner la maison et mon lit sans regarder derrière mes talons.



« Je me levai le lendemain matin après une nuit sans sommeil, et je racontai mon aventure à mes voisins. Quelques-uns l'écoutèrent sérieusement, d'autres n'en firent que rire ; je crois qu'au fond personne n'y voulut croire. Mais ce matin-là, on trouva M. Reuben Haredale assassiné dans sa chambre à coucher : il tenait à la main un morceau de la corde attachée à une cloche d'alarme en dehors du toit ; cette corde pendait dans sa chambre, et elle avait été coupée en deux, sans aucun doute par l'assassin, lorsque sa victime l'avait saisie.



« La cloche que j'avais entendue, c'était celle-là.



« On trouva un secrétaire ouvert ; une cassette, que M. Haredale avait apportée la veille et qu'on supposait renfermer une grosse somme d'argent, avait disparu. L'intendant et le jardinier n'étaient plus là ni l'un ni l'autre, et tous deux furent longtemps soupçonnés ; mais on ne parvint jamais à les trouver, quoiqu'on les cherchât bien loin, bien loin. On aurait pu chercher encore plus loin l'intendant, le pauvre M. Rudge : car son corps, à peine reconnaissable sans ses vêtements, sans la montre et l'anneau qu'il portait, fut trouvé, des mois après, au fond d'une pièce d'eau, dans les terres du domaine, avec une blessure béante à la poitrine : il avait été frappé d'un coup de couteau. Il était à moitié vêtu, et tout le monde s'accorda à dire qu'il était en train de lire dans sa chambre, qu'on trouva pleine de traces de sang, quand on était tombé soudainement sur lui pour le tuer avant son maître.



« Chacun reconnut alors que c'était le jardinier qui devait être l'assassin, et, quoiqu'on n'en ait jamais entendu parler depuis cette époque jusqu'à présent, on en entendra parler ; prenez note de ce que je vous dis là. Le crime a été commis il y a vingt-deux ans, jour pour jour, le 19 mars 1753. Le 19 mars d'une année quelconque, peu importe quand… je sais toujours bien, et j'en suis sûr, parce que toujours, d'une manière quelconque, et par une coïncidence étrange, nous avons été ramenés à en parler, ce même jour, depuis l'événement… le 19 mars d'une année quelconque, tôt ou tard cet homme-là sera découvert. »
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:06

« Voilà une étrange histoire ! dit l'homme qui avait donné lieu au récit, plus étrange encore si votre prédiction se réalise. Est-ce tout ? »



Une question tellement inattendue ne piqua pas peu Salomon Daisy. À force de raconter cette histoire très souvent, et de l'embellir, disait-on au village, de quelques additions que lui suggéraient de temps à autre ses divers auditeurs, il en était venu par degrés à produire en la racontant un grand effet ; et ce « Est-ce tout ? » après le crescendo d'intérêt, certes, il ne s'y attendait guère.



« Est-ce tout ? répéta le sacristain ; oui, monsieur, oui, c'est tout. Et c'est bien assez, je pense.



– Moi, de même. Mon cheval, jeune homme. Ce n'est qu'une rosse, louée à une maison de poste sur la route ; mais il faut que l'animal me porte à Londres ce soir.



– Ce soir ! dit Joe.



– Ce soir, répliqua l'autre. Qu'avez-vous à vous ébahir ? Cette taverne a l'air d'être le rendez-vous de tous les gobe-mouches du voisinage. »



En entendant cette évidente allusion à l'examen qu'on lui avait fait subir, comme nous l'avons mentionné dans le précédent chapitre, les yeux de John Willet et de ses amis se dirigèrent de nouveau vers le chaudron de cuivre avec une rapidité merveilleuse. Il n'en fut pas ainsi de Joe, garçon plein d'ardeur, qui soutint d'un regard ferme l'œillade irritée de l'inconnu, et lui répondit :



« Il n'y a pas grande hardiesse à s'étonner que vous partiez ce soir. Certainement une question si inoffensive vous a été faite déjà dans quelque auberge, et surtout par un temps meilleur que celui-ci. Je supposais que vous pouviez ne pas connaître la route, puisque vous semblez étranger à ce pays.



– La route ? répéta l'autre d'un ton agacé.



– Oui. La connaissez-vous ?



– Je la… hum !… Je la trouverai bien, répliqua l'homme en agitant la main et en tournant sur ses talons. L'aubergiste, payez-vous. »



John Willet fit ce que désirait son hôte : car, sur cet article, rarement montrait-il de la lenteur, sauf lorsqu'il y avait des détails de change, parce qu'alors il lui fallait constater si chaque pièce d'argent qu'on lui présentait au comptoir était bonne, l'essayer avec ses dents ou sa langue, la soumettre à toute autre épreuve, ou, dans le cas douteux, à une série de contestations terminées par un rejet formel. L'homme, son compte réglé, s'enveloppa de ses vêtements de manière à se garantir le plus possible du temps atroce qu'il faisait, et, sans le moindre mot ou signe d'adieu, il alla vers l'écurie. Joe, qui avait quitté la salle après leur court dialogue, était dans la cour, s'abritant de la pluie, ainsi que le cheval, sous le toit en auvent d’un vieux hangar.



« Il est joliment de mon avis, dit Joe en tapotant le cou du cheval ; je gagerais qu'il serait plus charmé de vous voir rester ici cette nuit que je ne le serais moi-même.



– Lui et moi ne sommes pas d'accord, comme cela nous est arrivé plus d'une fois dans notre passage sur cette route-ci, fut la brève réponse.



– C'est ce que je pensais avant votre sortie de la salle, car il paraît qu'elle a senti vos éperons, la pauvre bête. »



L'étranger, sans répondre, ajusta autour de sa figure le collet de sa redingote.



« Vous me reconnaîtrez, à ce que je vois, dit-il lorsqu'il eut sauté en selle, car il remarqua la vive attention du jeune gars.



– Un homme mérite bien qu'on s'en souvienne, maître, quand il fait une route qu'il ne connaît pas, sur un cheval éreinté, et qu'il abandonne pour cela un bon gîte par une soirée comme celle-ci.



– Il me paraît que vous avez des yeux perçants et une langue bien affilée.



– C'est un double don de nature, j'imagine ; mais le dernier se rouille quelquefois, faute de m'en servir.



– Servez-vous moins aussi du premier. Réservez vos yeux perçants pour vos bonnes amies, mon garçon. »



En parlant ainsi, l'homme secoua la bride que Joe tenait d'une main ; il le frappa rudement sur la tête avec la poignée de son fouet, et partit au galop, s'élançant à travers la boue et l'obscurité avec une vitesse impétueuse, dont peu de cavaliers mal montés auraient voulu suivre l'imprudent exemple, eussent-ils été même très familiarisés avec le pays : pour quelqu'un qui ne connaissait nullement la route, c'était s'exposer à chaque pas aux plus grands dangers.



Les routes d'alors, même dans un rayon de douze milles de Londres, étaient mal pavées, rarement réparées, et très pauvrement établies. Ce cavalier en prenait une qui avait été labourée par les roues de pesants chariots, et gâtée par les gelées et les dégels de l'hiver précédent, et peut-être même de beaucoup d'hivers antérieurs. Le sol était miné ; il y avait de grands trous et des crevasses, difficiles à distinguer même durant le jour, à cause de l'eau des dernières pluies qui les remplissait. Un plongeon dans l'une de ces cavités aurait pu faire choir un cheval ayant le pied plus sûr que la pauvre bête lancée à fond de train et jusqu'aux limites suprêmes de ses forces. Des cailloux tranchants et des pierres roulaient sans cesse de dessous ses sabots ; le cavalier voyait à peine au delà des oreilles de sa monture, ou plus loin de chaque côté que la longueur de son bras. À cette époque aussi des voleurs à pied et des brigands à cheval infestaient toutes les routes dans le voisinage de la capitale, et c'était une nuit, entre toutes les autres, pendant laquelle cette classe de malfaiteurs pouvait presque, sans crainte d'être découverte, vaquer à sa profession illégale. Toujours est-il que le voyageur courait ainsi au triple galop, ne s'inquiétant ni de la boue, ni de l'eau qui tombait sur sa tête, ni de la profonde obscurité de la nuit, ni de la rencontre fort probable de quelques rôdeurs, capables de tout. À chaque détour, à chaque angle, là même où l'on pouvait le moins s'attendre à un coude du chemin, et où l'on ne pouvait le voir qu'en arrivant dessus, il manœuvrait la bride sans se tromper, gardant toujours le milieu de la chaussée. C'est de la sorte qu'il accélérait sa course en se dressant sur les étriers, en penchant son corps en avant, presque couché sur le cou du cheval, et en faisant claquer son lourd fouet au-dessus de sa tête avec une ardeur enragée.



Il y a des heures où, les éléments étant émus d'une manière insolite, ceux qui se livrent corps et âme à d'audacieuses entreprises, ou qui sont agités par de grandes pensées, soit pour le bien soit pour le mal, éprouvent une mystérieuse sympathie avec le tumulte de la nature, auquel ils répondent par un transport plein de violence. Parmi le tonnerre, l'éclair et la tempête, beaucoup d'actes terribles se sont accomplis ; des hommes qui s'étaient possédés auparavant ont soudain déchaîné leurs passions en révolte. Les démons de la colère et du désespoir se sont évertués à rivaliser avec ceux qui chevauchent sur le tourbillon et dirigent la tempête ; et l'homme, fouetté à en devenir fou par les vents rugissants et les eaux bouillonnantes, s'est senti alors aussi farouche, aussi impitoyable que les éléments eux-mêmes.



Soit que le voyageur fut en proie à des pensées que les fureurs de la nuit avaient échauffées et fait bondir comme un torrent fougueux, soit qu'un puissant motif le poussât à atteindre le but de son voyage, il volait, plus semblable à un fantôme poursuivi par la meute mystérieuse qu'à un homme, et il ne s'arrêta pas, jusqu'à ce que, arrivant à un carrefour dont l'une des branches conduisait par un plus long trajet au point d'où il était parti naguère, il allât donner si soudainement sur une voiture qui venait vers lui, que, dans son effort pour l'éviter, il abattit presque son cheval, et faillit être jeté à terre.



« Hoho ! cria la voix d'un homme. Qu'est-ce qu'il y a ? Qui va là ?



– Un ami ! répondit le voyageur.



– Un ami ! répéta la voix. Mais qui donc s'appelle un ami et galope de cette façon, abusant des bienfaits du ciel, représentés par un pauvre cheval, et mettant en péril, non seulement son propre cou, ce qui n'aurait pas grande importance, mais encore le cou d'autrui ?



– Vous avez une lanterne, à ce que je vois, dit le voyageur en sautant à bas de sa monture. Prêtez-la-moi pour un moment. Je crois que vous avez blessé mon cheval avec votre timon ou votre roue.



– Le blesser ! cria l'autre ; si je ne l'ai pas tué, ce n'est pas votre faute, à vous. Quelle idée de galoper comme ça sur le pavé du roi ! Pourquoi donc, hein ?



– Donnez-moi la lumière, répliqua le voyageur l'arrachant de sa main, et ne faites pas d'inutiles questions à un homme qui n'est pas d'humeur à causer.



– Si vous m'aviez dit d'abord que vous n'étiez pas d'humeur à causer, je n'aurais peut-être pas été d'humeur à vous éclairer, dit la voix. Néanmoins, comme c'est le pauvre cheval qui est endommagé et non pas vous, l'un de vous deux, à tout hasard, est le bienvenu au falot ; et ce n'est toujours pas le plus hargneux des deux. »



Le voyageur ne riposta point à ces paroles, mais approchant la lumière de la bête haletante et fumante, il examina ses membres et son corps. Cependant l'autre homme restait fort tranquillement assis dans sa voiture, espèce de chaise, avec une manne contenant un gros sac d'outils, et il regardait d'un œil attentif comment s'y prenait le cavalier.



L'observateur était un robuste villageois, tout rond, à la figure rougeaude, avec un double menton et une voix sonore qui dénotaient bonne nourriture, bon sommeil, bonne humeur et bonne santé. Il avait passé la fleur de l'âge ; mais le temps, ce patriarche, n'est pas toujours un rude père, et, quoiqu'il ne soit en retard pour aucun de ses enfants, il pose souvent une main plus légère sur ceux qui ont bien agi à son égard ; il est inexorable pour en faire de vieux hommes et de vieilles femmes, mais il laisse leurs cœurs et leurs esprits jeunes et en pleine vigueur. Chez de pareilles gens, les frimas de la tête ne sont que l'empreinte de la main du grand vieillard lorsqu'il leur donne sa bénédiction, et chaque ride n'est qu'une coche dans le paisible calendrier d'une vie bien dépensée.



Celui que le voyageur avait rencontré d'une façon si subite était une personne de ce genre-là, un homme assez gros, solide, très vert dans sa vieillesse, en paix avec lui-même et évidemment disposé à l'être avec les autres. Quoique emmitouflé de divers vêtements et foulards dont l'un, passé par-dessus le haut de sa tête et noué à un pli propice de son double menton, empêchait son chapeau à trois cornes et sa petite perruque ronde d'être emportés par un coup de vent, il n'y avait pas moyen qu'il pût dissimuler son embonpoint et sa figure rebondie ; certaines marques de doigts salis qui s'étaient essuyés sur son visage ajoutaient seulement à son expression bizarre et comique, sans diminuer en rien l'éclat de sa bonne humeur naturelle.



« Il n'est pas blessé, dit enfin le voyageur. relevant à la fois sa tête et la lanterne.



– Vous avez donc fini par découvrir ça ? répondit le vieillard. Mes yeux ont été jadis meilleurs que les vôtres ; mais aujourd'hui encore je n'en changerais pas avec vous.



– Que voulez-vous dire ?



– Ce que je veux dire ! c'est que je vous aurais bien dit, il y a cinq minutes, qu'il n'était pas blessé. Donnez-moi la lumière, l'ami ; continuez votre chemin, et galopez plus doucement ; bonne nuit. »



En tendant la lanterne, l'homme dut lancer ses rayons en plein sur la figure de son interlocuteur. Leurs yeux se rencontrèrent au même instant. Il laissa tout à coup tomber le falot et l'écrasa sous son pied.



« N'avez-vous donc jamais vu jusqu'ici de figure de serrurier, pour tressaillir comme si vous vous trouviez en face d'un fantôme ? cria le vieillard dans sa voiture ; ou bien serait-ce, ajouta-t-il très vite en fourrant sa main dans la manne aux outils et en tirant de là un marteau, quelque ruse de voleur ? Je connais ces routes-ci, mon cher. Quand j'y voyage, je n'ai sur moi que quelques shillings, à peine la valeur d'une couronne. Je vous déclare franchement, pour nous épargner à tous deux de l'embarras, qu'il n'y a rien à attendre de moi qu'un bras assez vigoureux pour mon âge, et cet outil dont, par une longue habitude, je peux me servir assez prestement. Tout n'ira pas à votre gré, je vous le promets, si vous tâtez de ce jeu-là. »
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:07

En disant ces mots, il se tint sur la défensive.



« Je ne suis pas ce que vous me croyez, Gabriel Varden, repartit l'autre.



– Qu'êtes-vous alors et qui êtes-vous ? répliqua le serrurier. Vous savez mon nom, à ce qu'il paraît ? Que je sache donc le vôtre.



– Ce que je sais, je n'en suis pas redevable à une confidence de votre part, mais à la plaque de votre chariot ; elle en informe toute la ville.



– Alors vous avez de meilleurs yeux pour cela que pour votre cheval, dit Varden, descendant de sa chaise avec agilité ; qui êtes-vous ? Voyons votre figure. »



Pendant que le serrurier descendait, le voyageur s'était remis en selle, et de là il avait à présent en face de lui le vieillard qui, suivant tous les mouvements du cheval plein d'impatience sous la bride serrée, se tenait le plus près possible de son inconnu.



« Mais voyons donc votre figure.



– Reculez-vous.



– Allons, pas de mascarades ici ! dit le serrurier. Je ne veux pas que l'on raconte demain au club que Gabriel Varden s'est laissé effrayer par un homme qui faisait la grosse voix dans une nuit ténébreuse. Halte-là ! Voyons votre figure. »



Sentant que résister davantage n'aurait d'autre résultat que de le mettre aux prises avec un adversaire qui n'était nullement méprisable, le voyageur rejeta en arrière le collet de sa redingote et se baissa en regardant fixement le serrurier.



Jamais peut-être deux hommes offrant un plus frappant contraste ne se trouvèrent face à face. Les traits rougeauds du serrurier donnaient un tel relief à l'excessive pâleur de l'homme à cheval, qu'il avait l'air d'un spectre privé de sang ; la sueur dont cette rude course avait humecté son visage y pendait en grosses gouttes noires, comme une rosée d'agonie et de mort. La physionomie du serrurier s'illuminait d'un sourire : c'était bien là un homme qui s'attendait à surprendre dans l'étranger suspect quelque malice cachée de l'œil ou de la lèvre pour lui révéler une de ses connaissances familières sous ce subtil déguisement, et détruire le charme de la mystification. La figure de l'autre, sombre et farouche, mais contractée aussi, était celle d'un homme réduit aux abois, tandis que ses mâchoires serrées, sa bouche grimaçante, et, plus que tout cela, un mouvement furtif de sa main dans sa poitrine, semblaient trahir une intention terrible, qui n'avait rien de la pantomime d'un acteur ou des jeux d'un enfant.



Pendant quelque temps ils se regardèrent ainsi l'un et l'autre en silence.



« Hum ! dit le serrurier lorsqu'il eut examiné les traits du voyageur ; je ne vous connais pas.



– N'en ayez plus l'envie, répondit l'autre en s'enveloppant comme il l'était avant.



– Ma foi non, dit Gabriel ; à vous parler franc, mon cher, vous ne portez pas sur votre figure une lettre de recommandation.



– Je ne le désire pas, dit le voyageur. Ce qui me plaît, c'est qu'on m'évite.



– Oh ! vous ne serez pas gêné dans vos goûts, dit le serrurier d'un ton brusque.



– Je ne le serai pas, coûte que coûte, répliqua le voyageur. Pour preuve de cela, pénétrez-vous bien de ce que je vais vous dire : jamais dans toute votre vie vous n'avez couru un plus grand danger que durant ce peu d'instants ; lorsque vous serez à cinq minutes de votre dernier soupir ; vous ne serez pas plus près de la mort que vous ne l'avez été ce soir.



– Oui-da ! dit le robuste serrurier.



– Oui ! et d'une mort violente.



– Venant de quelle main ?



– De la mienne, » répliqua le voyageur.



Là-dessus il éperonna son cheval et partit. Ce ne fut d'abord qu'un pas accentué ; il trottait lourdement au beau milieu des éclaboussures ; mais par degrés sa vitesse alla croissante, jusqu'à ce que le dernier son des sabots du cheval fut emporté par le vent : alors il se précipitait derechef d'un galop aussi furieux que celui qui avait occasionné sa rencontre avec le serrurier.



Gabriel Varden resta debout sur la route avec sa lanterne brisée à la main, stupéfait, écoutant en silence, jusqu'à ce qu'aucun son n'arriva plus à ses oreilles que le gémissement du vent et le clapotement de la pluie. Enfin il se donna un ou deux bons coups sur la poitrine comme pour se réveiller, et il lança cette exclamation de surprise :



« Que diable ce gaillard-là peut-il être ? un fou ? un voleur de grand chemin ? un homme à vous couper la gorge ? S'il n'avait pas filé si vite, nous aurions vu qui était le plus en danger, de lui ou moi. Ah ! je n'ai jamais été plus près de la mort que ce soir ! J'espère bien n'en pas être plus près d'une vingtaine d'années ; et, à ce compte-là, je serai content de n'en pas être plus loin. Jour de Dieu ! une jolie fanfaronnade à l'adresse d'un homme solide au poste. Fi ! Fi ! »



Gabriel remonta dans sa voiture ; il regarda d'un air pensif la route par laquelle était venu le voyageur, et il se chuchota à demi-voix les réflexions suivantes :



« Le Maypole… deux milles d'ici au Maypole. J'ai pris l'autre route pour venir de la Garenne, après une longue journée de travail aux serrures et aux sonnettes. Mon but était de ne point passer par le Maypole, et de ne point manquer de parole à Marthe en y entrant. Superbe résolution ! Il serait dangereux d'aller à Londres sans une lanterne allumée. Or, il y a quatre milles et un bon demi-mille en sus d'ici à Halfway-House[8], et c'est précisément entre ces deux points qu'on a le plus besoin de lumière. Deux milles d'ici au Maypole ! J'ai dit à Marthe que je n'y entrerais pas, et je n'y suis pas entré. Superbe résolution ! »



Répétant souvent ces deux derniers mots, comme s'il eût voulu compenser le peu de résolution qu'il allait faire voir par l'éloge de tout ce qu'il avait montré de résolution, Gabriel Varden retourna tranquillement sa voiture, décidé à prendre une lumière au Maypole, mais à n'y prendre qu'une lumière.



Toutefois, quand il fut arrivé au Maypole, et que Joe, répondant à son appel bien connu, s'élança dehors à la tête de son cheval, laissant la porte ouverte derrière lui, et dévoilant une perspective de chaleur et de splendeur ; quand le vif éclat du foyer, ruisselant au travers des vieux rideaux rouges de la salle commune, parut apporter, comme une partie de lui-même, un agréable bourdonnement de voix, et une suave odeur de grog bouillant et de tabac exquis, le tout imbibé, pour ainsi dire, dans la joyeuse teinte brillante ; lorsque les ombres, passant rapidement sur les rideaux, montrèrent que ceux de l'intérieur s'étaient levés de leurs bonnes places et s'occupaient d'en faire une pour le serrurier dans l'encoignure la plus confortable (il la connaissait trop bien, cette encoignure), et qu'une large clarté, jaillissant soudain, annonça l'excellence de la bûche pétillante, d'où une magnifique gerbe d'étincelles tourbillonnait sans doute au faîte de la cheminée dans le moment même, en l'honneur de son arrivée ; lorsque, s'ajoutant à ces séductions, il se glissa jusqu'à lui de la lointaine cuisine un doux pétillement de friture, avec un cliquetis musical d'assiettes et de plats, et une odeur savoureuse qui changeait le vent impétueux en parfum, Gabriel sentit par tous ses pores sa fermeté s'en aller. Il essaya de regarder stoïquement la taverne, mais ses traits s'amollirent en un regard de tendresse. Il tourna la tête de l'autre côté ; mais la campagne froide et noire, à l'aspect rébarbatif, parut l'inviter à chercher un refuge dans les bras hospitaliers du Maypole.



« L'homme vraiment humain, Joe, dit le serrurier, est humain pour sa bête. Je vais entrer un petit instant. »



Et, en effet, n'était-il pas bien naturel d'entrer ? ne semblait-il pas contre nature, au contraire, à un homme sage de trimer dans le gâchis des routes, en affrontant les rudes coups de vent et la pluie battante, lorsqu'il y avait là un plancher propre, couvert d'un sable blanc qui craquait sous le pied, un âtre bien balayé, un feu flambant, une table parée de linge d'une blancheur parfaite, des cannelles d'étain éblouissantes, et d'autres préparatifs fort tentants d'un repas bien accommodé ; lorsqu'il y avait là de pareilles choses et une compagnie disposée à y faire honneur, tout cela sous sa main et le conviant avec instance au plaisir !
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:07

Telles furent les pensées du serrurier lorsqu'il s'assit d'abord dans la confortable encoignure, se remettant peu à peu de l'agréable défaillance de sa vue : agréable, disons-nous, parce que, comme elle provenait du vent qui lui avait soufflé dans les yeux, elle l'autorisait, par égard pour lui-même, à chercher un abri contre le mauvais temps. C'est encore le même motif qui lui donna la tentation d'exagérer une toux légère, et de déclarer qu'il ne se sentait pas trop à son aise. Cela se prolongea plus d'une grande heure après, lorsqu'il alla, le souper fini, se rasseoir dans le bon coin bien chaud, écoutant le petit Salomon Daisy, dont la voix ressemblait au gazouillement du grillon, et prenant avec une importance réelle sa bonne part du bavardage commun autour de l'âtre du Maypole.



« Tout ce que je souhaite, c'est que ce soit un honnête homme, dit Salomon (qui résumait diverses conjectures relatives à l'étranger, car Gabriel avait comparé ses observations avec celles de la compagnie, et soulevé par là une grave discussion), oui, je souhaite que ce soit un honnête homme.



– Nous le souhaitons tous aussi, je suppose. N'est-ce pas, vous autres ? ajouta le serrurier.



– Moi, non, dit Joe.



– Vraiment ? s’écria Gabriel.



– Non, certes. Il m'a frappé avec son fouet, le lâche, étant à cheval et moi à pied. J’aimerais mieux qu'il fût, en définitive, ce que je crois qu'il est.



– Et que peut-il être, Joe ?



– Rien de bon, monsieur Varden. Vous avez beau secouer la tête, père, je dis que cet homme-là n'est rien de bon, je répète que ce n’est rien de bon, et je le répéterais cent fois, si cela pouvait le faire revenir pour avoir la volée qu’il mérite.



– Taisez-vous, monsieur, dit John Willet.



– Père, je ne me tairai pas. C'est bien grâce à vous qu'il a osé faire ce qu'il a fait. Il m'a vu traiter comme un enfant, humilier comme un imbécile, ça lui a donné du cœur, et il a voulu aussi malmener un jeune homme qu'il s'imagine, chose fort naturelle, n'avoir pas un brin de caractère, mais il se trompe, je le lui ferai voir, et je vous le ferai voir à tous avant peu.



– Ce garçon là sait il bien ce qu'il dit ? cria John Willet, grandement étonné.



– Père, répliqua Joe, je sais bien ce que je dis et ce que je veux dire beaucoup mieux que vous ne faites quand vous m'écoutez. De votre part j'endurerais tout ; mais le moyen d'endurer le mépris que la manière dont vous me traitez m'attire chaque jour de la part des autres ? Voyez les jeunes gens de mon âge : n'ont-ils ni la liberté ni le droit de parler quand ils veulent ? Les oblige-t-on d'être assis comme au jeu de bouche cousue ; d'être aux ordres de tout le monde ; enfin, de devenir le plastron des jeunes et des vieux ? Je suis la fable de tout Chigwell, et je vous déclare, mieux vaut vous le dire à présent que d'attendre votre mort et votre héritage, je vous déclare qu'avant peu je serai réduit à briser de pareils liens, et que, quand je l'aurai fait, ce ne sera pas de moi que vous aurez à vous plaindre, mais de vous-même, et de nul autre que vous. »



John Willet fut tellement confondu de l'exaspération et de l'audace de son digne fils, qu'il resta sur sa chaise comme un homme dont l'esprit est égaré. Il regarda fixement avec un sérieux risible le chaudron de cuivre, et chercha, mais sans pouvoir y parvenir, à rassembler ses pensées retardataires et à trouver une réponse. Les assistants, presque aussi troublés que lui, étaient dans un égal embarras. Enfin, avec diverses expressions de condoléance marmottées à demi-voix, et des espèces de conseils, ils se levèrent pour partir, d'autant plus qu'ils avaient une pointe de liqueur.



Seul, notre brave serrurier adressa quelques mots suivis et des conseils sensés aux deux parties, en pressant John Willet de se souvenir que Joe allait atteindre l'âge viril et ne devait plus être mené comme un enfant ; en exhortant Joe, de son côté, à supporter les caprices de son père et à tâcher de les vaincre plutôt par des représentations modérées que par une rébellion intempestive. Ces conseils furent reçus comme se reçoivent habituellement de semblables conseils. Cela ne fit guère plus d'impression sur John Willet que sur l'enseigne extérieure de l'auberge ; tandis que Joe, qui prit la chose aussi bien que possible, le remercia de tout son cœur, mais en déclarant poliment son intention de n'en faire, toutefois, qu'à sa tête, sans se laisser influencer par personne.



« Vous avez toujours été un excellent ami pour moi, monsieur Varden, dit-il comme ils étaient hors du porche, et que le serrurier s'équipait pour retourner à la maison ; je sais que c'est par pure bonté que vous me dites ça ; mais le temps est quasi venu où, le Maypole et moi, il faudra nous séparer.



– Pierre qui roule n'amasse pas mousse, Joe, dit Gabriel.



– Les bornes de la route n'en amassent pas beaucoup non plus, répliqua Joe, et, si je ne suis pas ici comme une borne, je n'en vaux guère mieux, et je ne vois guère plus de monde.



– Alors, que voudriez-vous faire, Joe ? poursuivit le serrurier, qui se frottait doucement le menton d'un air réfléchi. Que pourriez-vous être ? où pourriez-vous aller ? songez-y !



– Je dois me fier à ma bonne étoile, monsieur Varden.



– Mauvaise chose. Ne vous y fiez pas. Je n'aime point ça. Je dis toujours à ma fille, quand nous causons d'un mari pour elle, de ne jamais se fier à sa bonne étoile, mais de s'assurer d'avance un excellent homme, un fidèle époux, parce que, une fois en ménage, ce ne sera pas son étoile qui la rendra riche ni pauvre, heureuse ni malheureuse. Mais qu'avez-vous donc à vous remuer comme ça, Joe ? Il ne manque rien au harnais, j'espère ?



– Non, non, dit Joe, trouvant néanmoins quelques sangles de plus à serrer, quelques boucles de plus à rattacher. Mamzelle Dolly[9] va tout à fait bien ?



– Très bien, merci. Elle a l'air de devenir assez gentille et pas trop méchante.



– Pour ce qui est de ça, c'est bien vrai, monsieur Varden.



– Oui, oui, Dieu merci.



– J'espère, dit Joe après un peu d'hésitation, que vous ne parlerez pas de ma sotte histoire, du horion que j'ai reçu comme si j'étais un petit garçon, car c'est comme ça qu'on me traite ici, du moins jusqu'à ce que j'aie pu rattraper mon individu et régler mon compte avec lui. Alors, je vous permettrai d'en parler.



– En parler ! mais à qui en parlerais-je ? On le sait ici, et je ne rencontrerai probablement nulle autre personne ailleurs qui se soucie de le savoir.



– C'est bien vrai, dit le jeune homme en soupirant. J'avais complètement oublié ça ; oui, c'est vrai, bien vrai ! »



En disant ces mots, il se redressa, la figure toute rouge, sans doute à cause des efforts qu'il avait faits pour sangler et boucler partout ; puis, donnant les rênes au serrurier, qui avait pris place dans sa voiture, il soupira derechef, et lui souhaita le bonsoir.



« Bonsoir ! cria Gabriel. Réfléchissez maintenant à ce que nous venons de dire ; ayez des idées plus saines. Pas de coups de tête. Vous êtes un brave garçon ; je m'intéresse à vous, et je serais désolé de vous voir vous mettre vous-même sur le pavé. Bonsoir ! »



Répondant par un souhait cordial à son adieu encourageant, Joe musa jusqu'à ce que le bruit des roues eût cessé de vibrer dans ses oreilles, et alors, secouant la tête avec tristesse, il rentra.



Gabriel se dirigeait vers Londres, pensant à une foule de choses, et surtout au style bouillant dans lequel il raconterait son aventure, et se justifierait ainsi auprès de Mme Varden d'avoir rendu visite au Maypole, en dépit de certaines conventions solennelles entre lui et cette dame. La méditation n'engendre pas seulement la pensée, mais quelquefois aussi l'assoupissement ; or, plus le serrurier méditait, plus il avait envie de dormir.



Un homme peut bien être très sobre, ou du moins se tenir encore ferme sur ce terrain neutre qui sépare les confins de la parfaite sobriété et d'un petit coup de trop, et sentir pourtant une forte tendance à mêler dans son esprit des circonstances présentes avec d'autres qui ne s'y rattachent en rien ; à confondre toute considération de personnes, de temps et de lieux ; à rassembler ses pensées disjointes dans une espèce de brouillamini, de kaléidoscope mental qui produit des combinaisons aussi inattendues que fugitives. Tel était l'état de Gabriel Varden, lorsque, piquant de la tête dans son coquin de sommeil, et laissant son cheval suivre une route qu'il connaissait bien, il gagnait pays sans en avoir conscience, et approchait de plus en plus de la maison. Il s'était réveillé une fois, quand le cheval s'était arrêté jusqu'à ce que la barrière fût ouverte, et il avait crié un vigoureux : « Bonsoir ! » au péager ; mais il venait déjà de faire un rêve où il crochetait une serrure dans l'estomac du Grand Mogol, et même après son réveil il amalgamait le garde-barrière avec l'image de sa propre belle-mère, morte depuis vingt ans. On ne saurait donc s'étonner s'il se rendormit bientôt, et si, malgré de rares cahots tout le long du chemin, il ne s'aperçut pas de son voyage.



Et maintenant il approchait de la grande cité, qui s'étendait devant lui comme une ombre noire sur le sol, et rougissait l'air d'une immense et terne lumière, annonçant des labyrinthes de rues et de boutiques, et des essaims de gens affairés. Lorsqu'il approcha encore davantage, ce halo commença à s'effacer, et les causes qui le produisaient se développèrent lentement elles-mêmes. On put distinguer à peine de longues lignes de rues mal éclairées, avec, çà et là, quelque point plus lumineux, où les réverbères plus nombreux se groupaient autour d'un square, d'un marché ou d'un grand édifice. Au bout de quelque temps, tout devint plus distinct, et on put voir les réverbères eux-mêmes, comme des taches jaunes qui semblaient rapidement s'éteindre l'une après l'autre lorsque des obstacles successifs les dérobaient à la vue. Puis, ce furent toute sorte de bruits, l'heure qui sonnait aux horloges des églises, l'aboiement des chiens dans le lointain, le bourdonnement du commerce dans les rues ; puis des contours se dessinèrent, on vit paraître de hauts clochers sur l'océan aérien, et des amas de toits inégaux écrasés sous les lourdes cheminées ; puis le tapage grandit, grandit, et devint un véritable vacarme ; enfin les formes des objets se montrèrent plus nettes, plus nombreuses, et Londres, rendu visible dans l'obscurité par sa faible lumière, et non par celle des cieux, Londres apparut.



Cependant, sans s'apercevoir le moins du monde que Londres fût si proche, le serrurier continuait d'être cahoté entre la veille et le sommeil, lorsqu'un grand cri poussé à peu de distance en tête de sa voiture le réveilla en sursaut.



Un moment il regarda autour de lui, comme un homme qui, durant son sommeil, aurait été transporté dans quelque pays étranger ; mais, reconnaissant bientôt des objets familiers, il se frotta les yeux nonchalamment, et peut-être allait-il se rendormir encore, si ce même cri ne s'était fait entendre de nouveau, non pas une fois, deux fois, trois fois, mais plusieurs fois, et chaque fois, semblait-il, avec une force croissante. Complètement réveillé, Gabriel, qui était un gaillard hardi et qui n'avait pas froid aux yeux, lança droit de ce côté son vigoureux petit cheval, comme s'il fallait vaincre ou mourir.



Il s'agissait vraiment de quelque chose d'assez sérieux : car en arrivant à la place d'où les cris étaient partis, il avisa un homme étendu sur la chaussée et en apparence sans vie, autour duquel tournoyait un autre homme ayant une torche à la main, l'agitant en l'air avec le délire de l'impatience, et redoublant en même temps ses cris : « Au secours ! au secours ! » qui avaient amené là le serrurier.



« Qu'y a-t-il ? dit le vieillard en sautant à bas de sa voiture. Qu'est-ce que c'est donc ? quoi ! Barnabé ? »



Celui qui tenait la torche rejeta en arrière la longue chevelure éparse sur ses yeux ; et, faisant aussitôt volte-face, il fixa sur le serrurier un regard où se lisait toute son histoire.
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:08

« Vous me reconnaissez, Barnabé ? » dit Varden.



Il fit un signe affirmatif, non pas une fois, ni deux fois, mais une vingtaine de fois, d'une manière tellement bizarre et exagérée qu'il aurait remué sa tête pendant une heure, si le serrurier, le doigt levé en fixant sur lui un œil sévère, ne l'eût fait cesser, puis, montrant le corps, ne l'eût interrogé du regard.



« Il y a du sang sur lui, dit Barnabé en frissonnant. Ça me fait mal.



– D'où vient ce sang ? demanda Varden.



– Du fer, du fer, du fer, répliqua l'autre d'un ton farouche, en imitant avec sa main l'action de donner un coup de poignard.



– Quelque voleur. » dit le serrurier.



Barnabé le saisit par le bras et fit encore un signe affirmatif ; puis il indiqua la direction de la ville.



« Ah ! dit le vieillard en se penchant sur le corps et se retournant pour parler à Barnabé, dont la pâle figure brillait d'une lueur étrange qui n'était point celle de l'intelligence, le voleur s'est sauvé par là ? Bien, bien, ne vous occupez pas de ça pour l’instant. Tenez, ainsi votre torche, un peu plus loin, c'est ça. À présent, restez tranquille pendant que je vais tâcher de voir quelle est sa blessure. »



Cela dit, il s'appliqua à examiner de plus près le corps étendu à terre, tandis que Barnabé, tenant sa torche comme on le lui avait recommandé, regarda en silence, fasciné par l'intérêt ou la curiosité, mais repoussé néanmoins par quelque puissante et secrète horreur qui imprimait à chacun de ses nerfs un mouvement convulsif.



Debout comme il était alors, reculant d'effroi, et cependant à demi penché en avant pour mieux voir, sa figure et toute sa personne étaient en plein dans la vive clarté de la torche et se révélaient aussi distinctement que s'il eût fait grand jour. Il avait environ vingt trois ans, et, quoique maigre, il était d'une belle taille et solidement bâti. Sa chevelure rouge, très abondante, pendait en désordre autour de sa figure et de ses épaules, donnant à ses regards sans cesse en mouvement une expression qui n’était pas du tout de ce monde, rehaussée par la pâleur de son teint et l'éclat vitreux de ses grands yeux saillants. Quoi qu’on ne pût le voir sans saisissement, sa physionomie était bonne, et il y avait même quelque chose de plaintif dans son visage blême et hagard. Mais l'absence de l'âme est bien plus terrible chez un vivant que chez un mort, et chez cet être infortuné les facultés les plus nobles faisaient défaut.



Il portait un habillement vert, décoré çà et là assez gauchement, et probablement par ses propres mains d’un somptueux galon, plus éclatant à l’endroit où l'étoffe était plus usée et plus sale. Une paire de manchettes d'un faux goût pendillaient à ses poignets, tandis que sa gorge était presque nue. Il avait orné son chapeau d'une touffe de plumes de paon, mais flasques et cassées à présent, elles traînaient négligemment derrière son dos. À sa ceinture brillait la garde d’acier d'une vieille épée sans lame ni fourreau, quelques bouts de rubans bicolores et de pauvres colifichets de verre complétaient la partie ornementale de son ajustement. La disposition confuse et voltigeante de tous les morceaux bigarrés qui formaient son costume, trahissait, aussi bien que ses gestes vifs et capricieux, le désordre de son esprit, et, par un grotesque contraste, mettait en relief l'étrangeté plus frappante encore de sa figure.



« Barnabé, dit le serrurier, après un rapide mais soigneux examen, cet homme n'est pas mort ; il a une blessure au flanc, mais il n'est qu'évanoui.



– Je le connais, je le connais ! cria Barnabé en claquant des mains.



– Vous le connaissez ? reprit le serrurier.



– Chut ! dit Barnabé en mettant ses doigts sur ses lèvres. Il était sorti aujourd'hui pour aller faire sa cour. Je ne voudrais pas, pour un beau louis d'or, qu'il retournât encore faire sa cour ; car, s'il y retournait, je sais des yeux qui perdraient bientôt leur éclat, quoi qu'ils brillent comme… À propos d'yeux, voyez-vous là-haut les étoiles ? De qui donc sont-elles les yeux ? Si ce sont les yeux des anges, pourquoi s'amusent-elles à regarder ici-bas pour voir blesser de bon monde, et ne font-elles que clignoter et scintiller toute la nuit ?



– Dieu ait pitié du pauvre fou ! murmura le serrurier fort perplexe. Connaîtrait-il en effet ce gentleman ? La maison de sa mère n'est pas loin. Je ferais mieux de voir si elle peut me dire qui il est. Barnabé, mon garçon, aidez-moi à le placer dans la voiture, et nous irons ensemble jusque chez vous.



– Impossible à moi de le toucher ! cria l'idiot reculant et frissonnant comme avec un spasme violent ; il est tout en sang.



– Oui, je sais, c'est une répugnance qui est dans sa nature, marmotta le serrurier. Il y a de la cruauté à lui demander un pareil service, mais il faut pourtant qu'on m'aide… Barnabé ! bon Barnabé ! cher Barnabé ! si vous connaissez ce gentleman. Au nom de sa propre vie, et de la vie de ceux qui l'aiment, aidez-moi à le lever et à l'étendre là.



– Tenez ! couvrez-le, enveloppez-le tout à fait. Ne me laissez pas voir ça, sentir ça, en entendre seulement le mot. Ne prononcez pas le mot. Gardez-vous-en bien.



– Convenu ; n'ayez aucune crainte. Là, regardez, il est couvert maintenant.



– Doucement. C'est ça, c'est ça. »



Ils le placèrent dans la voiture avec une grande facilité, car Barnabé était fort et actif ; mais, durant tout le temps qu'ils employèrent à cette opération, il frissonnait de la tête aux pieds, et il éprouvait évidemment une terreur si pleine d'angoisse, que le serrurier pouvait à peine supporter le spectacle de ses souffrances.



L'opération accomplie, et le blessé ayant été recouvert du pardessus de Varden, que celui-ci ôta exprès pour cela, ils avancèrent d'un bon pas, Barnabé comptant gaiement sur ses doigts les étoiles, et Gabriel se félicitant en lui-même d'avoir actuellement à raconter une aventure qui, sans aucun doute, ferait taire ce soir Mme Varden au sujet du Maypole ; ou bien il n'y avait donc plus moyen de se fier aux femmes.
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:08

aille Bob, juste pour te dire ke serieux ton histoire est benne trop longue, personne va lire sa, té trop malade.
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:09

Passons au vénérable faubourg de Clerkenwell, car c'était jadis un faubourg ; pénétrons dans cette partie de ses confins la plus voisine de Charter-House, et dans une de ces rues fraîches, ombreuses, dont il ne reste plus que quelques échantillons éparpillés dans ces vieux quartiers de la capitale. Là, chaque demeure végète tranquillement comme un bon vieux bourgeois qui, depuis longues années, retiré des affaires, roupille sur ses infirmités, jusqu'à ce que par la suite du temps il fasse la culbute pour céder la place à quelque jeune héritier, dont l'extravagante vanité se pavanera dans les ornements en stuc de sa maison rajeunie et dans tous les colifichets de l'architecture moderne. C'est dans ce quartier et dans une rue de ce genre que nous réclament les faits du présent chapitre.



À l'époque dont il s'agit, quoiqu'elle ne date que de soixante-dix ans, une très grande partie de Londres n'existait pas encore. Même les plus effrénés spéculateurs n'avaient point fait éclore dans leurs cerveaux d'immenses lignes de rues reliant Highgate avec Whitechapel, ni des rassemblements de palais sur des marécages desséchés et comblés, ni de petites cités en rase campagne. Quoique cette partie de la ville fût alors, comme de nos jours, sillonnée de rues et fort peuplée, sa physionomie était bien différente. La plupart des maisons avaient des jardins ; le long du trottoir s'élevaient des arbres ; on respirait de tout côté une fraîcheur que, par ce temps-ci, on y chercherait vainement. On avait à sa porte des champs à travers lesquels serpentaient les eaux de New River, et il se faisait là dans l'été de joyeuses fenaisons. La nature n'était pas si éloignée, si reculée qu'elle l'est de nos jours ; et, quoiqu'il y eût beaucoup d'industries actives dans Clerkenwell, et des ateliers de bijoutier par vingtaines, c'était un endroit plus salubre, plus à proximité des fermes, qu'une foule d'habitants du nouveau Londres ne seraient disposés à le croire, plus à portée aussi des promenades pour les amoureux, promenades qui se changèrent en cours dégoûtantes, longtemps avant que les amoureux de ce siècle eussent été mis au monde, ou, selon la phrase consacrée, avant qu'on pensât seulement à eux.



Dans l'une de ces rues, la plus propre de toutes, et du côté de l'ombre (car les bonnes ménagères savent que le soleil endommage les tentures objet de leurs soins, et elles aiment mieux l'ombre que l'éclat des rayons pénétrants} se trouvait la maison dont nous avons à nous occuper. C'était un modeste bâtiment, qui n'était pas de la dernière mode, ni trop large, ni trop étroit, ni trop haut ; il n'avait pas de ses façades hardies avec ces grandes fenêtres qui vous regardent effrontément ; c'était une maison timide, clignant des yeux, pour ainsi dire, avec un toit en cône qui se dressait en forme de pic au-dessus de la fenêtre du grenier, garnie de quatre petits carreaux de vitre, comme un chapeau à cornes sur la tête d'un monsieur âgé, qui n'a qu'un œil. Elle n'était pas bâtie en briques ni en pierres de taille, mais en bois et en plâtre ; elle n'avait pas été dessinée avec un monotone et fatigant respect de la symétrie, car il n'y avait pas deux fenêtres pareilles ; chacune d'elles semblait tenir à ne ressembler à rien.



La boutique, car il y avait une boutique, était au rez-de-chaussée, comme toutes les boutiques ; mais là toute ressemblance entre elle et une autre boutique cessait brusquement. Les gens qui entraient ou sortaient n'avaient pas à monter quelques marches, ou à glisser de plain-pied sur le sol au niveau de la rue ; mais il leur fallait descendre par trois degrés fort roides, et plonger comme dans une cave. La place était pavée avec de la pierre et de la brique, ainsi qu'aurait pu l'être celle de toute autre cave ; et, au lieu d'une fenêtre à châssis et à vitres, il y avait un grand battant ou volet de bois peint en noir, presque à hauteur d'appui, qui se reployait pendant le jour, donnant autant de froid que de jour, très souvent même moins de jour que de froid. Derrière cette boutique était une salle à manger lambrissée ayant vue d'abord sur une cour pavée, et au delà sur une terrasse et un petit jardin à quelques pieds au-dessus de la salle. Tout le monde aurait supposé que cette salle lambrissée, sauf la porte de communication par laquelle on avait été introduit, était retranchée du reste de l'univers ; et véritablement on avait remarqué que beaucoup d'étrangers, en y entrant pour la première fois, étaient devenus extrêmement pensifs, et semblaient chercher à résoudre dans leur esprit le problème de savoir si les chambres de l'étage supérieur n'étaient accessibles que du dehors par des échelles, ne soupçonnant jamais que deux des portes les moins prétentieuses et les plus invraisemblables qu'il y eût au monde, et que les plus ingénieux mécaniciens de la terre devaient de toute nécessité supposer des portes de cabinets, ouvraient une issue hors de cette salle, chacune sans la moindre préparation et sans livrer plus d'un quart de pouce de passage, sur deux escaliers noirs et tournants, l'un dirigé vers le haut, l'autre vers le bas : car c'étaient là les seuls moyens de communication entre cette pièce et les autres parties de la maison.



Avec toutes ces singularités, il n'y avait pas une maison plus propre, plus scrupuleusement rangée, plus minutieusement ordonnée dans Clerkenwell, dans Londres, dans toute l'Angleterre. Il n'y avait pas de croisées mieux nettoyées, de planchers plus blancs, de poêles plus brillants, de meubles en vieil acajou d'un lustre plus admirable. On ne frottait pas, on ne grattait pas, on ne brunissait pas, on ne polissait pas davantage dans toutes les maisons de la rue prises ensemble. Et cette perfection n'était pas obtenue sans quelques frais, quelques peines, et une grande dépense de poumons : les voisins ne s'en apercevaient que trop, quand la bonne dame du logis veillait et aidait elle-même à ce que tout fût mis en état les jours de nettoyage, ce qui, d'habitude, avait lieu du lundi matin au samedi soir, ces deux jours inclus.



Appuyé contre le montant de la porte de ce logis qui était le sien, le serrurier se tenait debout de bonne heure, le lendemain du jour où avait eu lieu sa rencontre avec le blessé, considérant d'un air inconsolable son enseigne, une grande clef de bois, peinte en jaune vif pour simuler l'or, laquelle pendillait sur le devant de la maison et oscillait à droite et à gauche en criant d'une manière lugubre, comme si elle se plaignait de n'avoir rien à ouvrir. Quelquefois il regardait par-dessus son épaule dans la boutique, qui était si assombrie par les nombreuses marques de sa profession, si noircie par la fumée d'une petite forge, près de laquelle son apprenti était à l'ouvrage, qu'il eût été difficile, pour un œil inaccoutumé à des investigations de ce genre, de distinguer là autre chose que divers outils d'une façon et d'une forme grossières, de grands paquets de clefs rouillées, des morceaux de fer, des serrures à moitié finies, et maint objet de même nature, garnissant les murailles ou pendant en grappes du plafond.



Après une longue et patiente contemplation de la clef d'or, et plusieurs coups d'œil lancés ainsi derrière lui, Gabriel fit quelques pas dans la rue, et dirigea un regard furtif vers les fenêtres de l'étage supérieur. L'une d'elles, par hasard, s'ouvrit toute grande en ce moment, et une figure friponne rencontra la sienne. C'était une figure illuminée par la plus aimable paire d'yeux étincelants sur lesquels un serrurier eût jamais fixé sa vue ; c'était la figure d'une jeune folle, jolie, rieuse, aux fraîches fossettes pleines de santé, la véritable personnification de la bonne humeur et de la beauté dans sa fleur.



« Chut ! dit elle tout bas, en se penchant et montrant avec malice la fenêtre d'au-dessous ; mère dort encore.



– Encore, ma chérie ! répondit le serrurier du même ton. Tu en parles à ton aise. Ne dirait-on pas qu'elle a dormi toute la nuit, quand elle n'a guère eu plus d'une demi-heure de sommeil ? Mais, Dieu soit loué ! le sommeil est une bénédiction… il n'y a pas de doute à cela. »



Le serrurier marmotta ces derniers mots pour lui seul.



« C'est bien cruel à vous de nous avoir tenus sur pied si tard dans la nuit, sans seulement nous dire où vous étiez, et sans nous envoyer au moins un petit mot pour nous rassurer, reprit la jeune fille.



– Ah ! Dolly, Dolly ! répliqua le serrurier secouant la tête et souriant, c'est bien cruel à vous d'avoir couru là-haut dans votre chagrin, pour vous mettre au lit ! Descendez déjeuner, petite folle, et bien doucement, ou vous réveilleriez votre mère. Elle doit être fatiguée, j'en suis sûr ; certainement elle doit l'être. »



Gardant pour lui ces derniers mots, et répondant au signe de tête de sa fille, il allait entrer dans sa boutique, la figure encore toute rayonnante du sourire que Dolly y avait éveillé, lorsqu'il put voir, juste au moment même, le bonnet de papier goudronné de son apprenti faire un plongeon afin d'éviter l'œil du maître, et se reculer de la fenêtre, pour retourner en tapinois à sa première place, où il ne fut pas plutôt qu'il se mit à jouer vigoureusement du marteau.



« Encore Simon aux aguets ! se dit Gabriel ; ça ne vaut rien. Que diable croit-il donc que la petite va dire ? Toujours je le surprends à écouter lorsqu'elle parle, jamais à un autre moment. Mauvaise habitude, Sim, que de se cacher comme ça pour faire ses coups à la sourdine. Ah ! vous avez beau jouer du marteau, vous ne m'ôterez pas cela de l'idée, quand vous y travailleriez toute votre vie. »



En se parlant ainsi à lui-même et secouant la tête d'un air grave, il rentra dans l'atelier et toisa l'objet de ces remarques.



« En voilà assez pour l'instant, dit le serrurier. Il est inutile de continuer ce bruit infernal. Le déjeuner est prêt.



– Monsieur, dit Sim en levant les yeux sur son maître avec une politesse étonnante et un petit salut à lui qui s'arrêtait net au cou, je suis à vous immédiatement.



– Je suppose, marmotta Gabriel, que c'est une phase de « la Guirlande de l'Apprenti, » ou des « Délices de l'Apprenti, » ou du « Chansonnier de l'Apprenti, » ou du « Guide de l'Apprenti à la Potence, » ou de quelque autre livre instructif de ce genre-là. Bon ! ne va-t-il pas maintenant se faire beau !…un amour de serrurier, ma foi. »



Sans se douter le moins du monde que son maître l'observait de la sombre encoignure près de la porte de la salle à manger, Sim jeta son bonnet de papier, sauta à bas de son siège, et, en deux pas extraordinaires, quelque chose entre l'enjambée d'un patineur et celle d'un danseur de menuet, il bondit jusqu'à une sorte de lavabo à l'autre bout de l'atelier, et là il fit disparaître de sa figure et de ses mains toutes les traces du travail de la matinée, exécutant le même pas pendant tout le temps avec le plus grand sérieux. Cela fait, il tira de quelque endroit caché un petit morceau de miroir, dont il s'aida pour arranger ses cheveux et constater l'état exact d'un petit bouton qu'il avait sur le nez. Ayant alors parachevé sa toilette, il posa le morceau de miroir sur un banc peu élevé, et regarda par-dessus son épaule tout ce qui put se refléter de ses jambes dans un cadre si étroit, avec une extrême complaisance et une extrême satisfaction.
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bob
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:09

Sim, comme on l'appelait dans la famille du serrurier, ou M. Simon Tappertit, comme il s'appelait lui-même et exigeait que tout le monde l'appelât au dehors, les jours de fête, sans compter les dimanches, était un drôle de corps, d'une figure mince, aux cheveux plats, aux petits yeux, de petite taille, n'ayant pas beaucoup plus de cinq pieds, mais absolument convaincu dans son propre esprit qu'il était au-dessus de la taille moyenne, et plutôt grand qu'autrement. Sa personne, qui était bien faite, quoique des plus maigres, lui inspirait une haute admiration ; et ses jambes, qui, dans sa culotte courte, étaient deux curiosités, deux raretés, au point de vue de leur exiguïté, excitaient en lui l'enthousiasme à un degré voisin de l'extase. Il avait aussi quelques idées majestueusement nuageuses, que n'avaient jamais sondées à fond ses amis les plus intimes, sur la puissance de son œil. On n'ignorait pas qu'il était allé jusqu'à se vanter de pouvoir complètement réduire et subjuguer la plus fière beauté par un simple procédé qu'il définissait « l'œillade fascinatrice ; » mais il faut ajouter que de cette puissance, pas plus que d'un don homogène qu'il prétendait avoir de vaincre et dompter les animaux, même enragés, il n'avait jamais fourni de preuve qu'on pût estimer tout à fait satisfaisante et décisive.



Ces prémisses permettent de conclure que le petit corps de M. Tappertit renfermait une âme ambitieuse et pleine de présomption. De même que certaines liqueurs, contenues dans des barils de dimensions trop étroites, fermentent, s'agitent et s'échauffent dans leur prison, ainsi l'essence spirituelle de l'âme de M. Tappertit fumait quelquefois dans le précieux baril de son corps, jusqu'à ce que, avec beaucoup d'écume, de mousse et de fracas, elle s'ouvrît de force un passage, et emportât tout devant elle. Il avait coutume de remarquer. dans ces occasions, que son âme lui avait monté à la tête ; et, dans ce nouveau genre d'ivresse, il lui était arrivé nombre d'anicroches et de mésaventures, qu'il avait fréquemment cachées, non sans de grandes difficultés, à son digne maître.



Sim Tappertit, parmi les autres fantaisies dont cette âme se repaissait et se régalait incessamment (fantaisies qui, telles que le foie de Prométhée, se multipliaient par la consommation), avait une haute idée de son ordre ; et la servante l'avait entendu exprimer ouvertement le regret que les apprentis ne pussent plus porter de bâtons pour en assommer les pékins, selon son expression énergique. Il aurait dit aussi qu'on avait jadis stigmatisé l'honneur de leur corps par l'exécution de Georges Barnwell ; que les apprentis n'eussent pas dû se soumettre bassement à cette exécution, qu'ils eussent dû réclamer leur collègue à la législature, d'abord d'une manière calme, puis, s'il le fallait, au moyen d'un appel aux armes, dont ils auraient fait usage comme ils l'auraient jugé à propos dans leur sagesse. Ces réflexions l'amenaient toujours à considérer quel glorieux instrument les apprentis pourraient devenir encore, si seulement ils avaient à leur tête un esprit supérieur ; et il faisait alors d'une façon ténébreuse, et terrifiante pour ceux qui l'écoutaient, allusion à certains gaillards de sa connaissance, tous crânes finis, et à un certain Cœur-de-Lion prêt à devenir leur capitaine, lequel, une fois en besogne, ferait trembler le lord-maire sur son trône municipal.



Quant au costume et à la décoration personnelle, Sim Tappertit n'était pas d'un caractère moins aventureux ni moins entreprenant. On l'avait vu, chose incontestable, ôter des manchettes superfines au coin de la rue les dimanches soir, et les mettre soigneusement dans sa poche avant de rentrer au logis ; et il était notoire que, tous les jours de grande fête, il avait l'habitude de changer ses boucles de genouillères en simple acier contre des boucles de strass reluisant, sous l'abri amical d'un poteau, très commodément planté audit endroit. Ajoutez à cela qu'il était âgé de vingt ans juste ; que son extérieur lui en donnait davantage, et sa suffisance au moins deux cents ; qu'il ne trouvait pas de mal à ce qu'on le plaisantât en passant sur son admiration pour la fille de son maître ; et qu'il avait même, comme on l'invitait, dans une certaine taverne obscure, à proposer la santé de la dame qu'il honorait de son amour, porté le toast suivant, avec force œillades et lorgnades : « Une belle créature dont le nom de baptême commence par un D. » Et maintenant le lecteur sait de Sim Tappertit, qui avait en ce moment rejoint à table le serrurier, tout ce qu'il est nécessaire d'en savoir pour faire connaissance avec lui.



C'était un repas substantiel : car, indépendamment du thé de rigueur et de ses accessoires, la table craquait sous le poids d'une bonne rouelle de bœuf, d'un jambon de première qualité, et de divers étages de gâteau beurré du Yorkshire, dont les tranches s'élevaient l'une sur l'autre dans la disposition la plus appétissante. Il y avait aussi un superbe cruchon bien verni, ayant la forme d'un vieux bonhomme qui ressemblait un peu au serrurier ; au-dessus de sa tête chauve était une belle mousse blanche qui lui tenait lieu de perruque et promettait, à ne pas s'y tromper, une ale pétillante brassée à la maison. Mais plus adorable que cette ale jolie brassée à la maison, que le gâteau du Yorkshire, que le jambon, que le bœuf, qu'aucune autre chose à manger ou à boire que la terre ou l'air ou l'eau pût fournir, il y avait là, présidant à tout, la fille du serrurier, aux joues de rose : devant ses yeux noirs le bœuf perdait tout son prestige, et la bière n'était plus rien, ou peu s'en faut.



Les pères ne devraient jamais embrasser leurs filles en présence de jeunes gens. C'est trop aussi. Il y a des limites aux épreuves humaines. Voilà justement ce que pensait Sim Tappertit quand Gabriel attira, vers ses lèvres les lèvres rosées de sa fille… Ces lèvres qui étaient chaque jour si près de Sim, et pourtant si loin ! Il respectait son maître, mais il aurait souhaité dans ce moment-là que le gâteau de Yorkshire l'étouffât plutôt.



« Père, dit la fille du serrurier, lorsque fut finie cette embrassade, qu'est-ce donc que j'apprends ? Est-il bien vrai que cette nuit…



– Tout ça est vrai, chère enfant ; vrai comme l'Évangile, Doll.



– M. Chester fils volé, et gisant blessé sur la route, quand vous êtes survenu ?



– Oui ; M. Édouard. Et auprès de lui Barnabé, criant au secours tant qu'il pouvait. Je suis survenu fort à point, car c'est une route solitaire ; il était tard, et, comme la nuit était froide, et que le pauvre Barnabé avait encore moins de raison qu'à l'ordinaire, par suite de sa surprise et de son épouvante, le jeune monsieur n'en avait pas pour longtemps de s'en aller dans l'autre monde.



– Je tremble, rien que d'y penser ! cria sa fille en frémissant. Comment l'avez-vous reconnu ?



– Reconnu ? répliqua le serrurier. Je ne l'ai pas reconnu. Et le moyen de le reconnaître ? Je ne l'avais jamais vu ; j'avais seulement mainte fois entendu parler de lui, comme j'en avais parlé moi-même sans le connaître. Je l'ai transporté chez mistress Rudge, et elle ne l'eut pas plus tôt vu, qu'elle me dit qui c'était.



– Mlle Emma, père, si cette nouvelle lui arrive, exagérée comme elle le sera certainement, est capable d'en devenir folle.



– Eh mais ! écoutez donc encore, et voyez à quoi un homme s'expose quand il a bon cœur, dit le serrurier. Mlle Emma était avec son oncle au bal masqué, à Carlisle-House ; elle y était allée bien malgré elle, m'a-t-on dit à la Garenne. Savez-vous ce que fait votre imbécile de père, après avoir tenu conseil avec mistress Rudge ? Il y va lorsqu'il aurait dû être dans son lit ; il sollicite la protection de son ami le portier, s'affuble d'un masque et d'un domino, et se mêle aux masques.



– Et comme c'est bien digne de lui d'avoir fait cela ! s'écria la fillette, lui mettant son beau bras autour du cou, et lui donnant le plus enthousiaste des baisers.



– Bien digne de lui ! répéta Gabriel, qui affectait de grommeler, mais qui évidemment était enchanté du rôle qu'il avait joué et des louanges de sa fille. Bien digne de lui ! C'est ainsi que parle votre mère. Cela n'empêche pas qu'il s'est mêlé à la foule ; harcelé, tourmenté, je vous en réponds, par des gens qui venaient lui rebattre les oreilles de leur : « Est-ce que tu ne me connais pas, beau masque ? moi je te connais bien, » et d'un tas de sottises de cette espèce. Sans compter qu'il y serait encore à chercher, s'il n'y avait eu, dans une petite salle, une jeune dame qui venait de retirer son masque, à cause de l'extrême chaleur de l'endroit, et qui restait assise là toute seule.



– Et c'était elle ? dit sa fille précipitamment.



– Et c'était elle, répondit le serrurier ; et je ne lui eus pas plutôt murmuré à l'oreille ce dont il s'agissait, avec autant de ménagement, Doll, et presque avec autant d'art que vous auriez pu en mettre vous-même, qu'elle jeta un cri aigu et s'évanouit.



– Et alors qu'arriva-t-il après ? demanda sa fille.



– Eh mais ! un troupeau de masques accourut autour d'elle ; il y eut un bruit général, un brouhaha, et je m'estimai heureux de m'esquiver : voilà tout, répliqua le serrurier. Ce qui arriva lorsque je revins au logis, vous pouvez le deviner, si vous ne l'avez pas entendu. Ah !… Bien… Ma foi ! il ne faut pas toujours avoir la mort dans l'âme. Passez-moi Tobie par ici, chère enfant. »



Ce Tobie, c'était le cruchon brun dont il a déjà été fait mention. Le serrurier, qui pendant tout l'entretien avait exercé d'affreux ravages parmi les comestibles, appliqua les lèvres au front bienveillant du digne bonhomme, et les y laissa si longtemps collées, tandis qu'il levait lentement le vase en l'air qu'à la fin il eut la tête de Tobie sur son nez ; alors il fit claquer ses lèvres, et le replaça sur la table avec un regret plein de tendresse.



Quoique Sim Tappertit n'eût pas pris part à cette conversation, et que la parole ne lui eût jamais été adressée, il n'avait pas manqué de faire en silence les manifestations d'étonnement qu'il croyait les plus propres à déployer avec succès la puissance fascinatrice de ses yeux. Regardant la pause qui avait suivi le dialogue comme une circonstance particulièrement avantageuse, et voulant frapper un grand coup sur la fille du serrurier (elle le regardait alors, à ce qu'il croyait dans une muette admiration), il commença à crisper et contracter sa figure, et principalement ses yeux ; à faire des contorsions si extraordinaires, si hideuses, si incomparables, que Gabriel, qui regarda par hasard de son côté, en fut tout ébahi.



« Eh mais ! que diable a donc ce garçon ? cria le serrurier. Est-ce qu'il s'étouffe ?



– Qui ? demanda Sim avec quelque dédain.



– Qui ? Eh mais ! vous, répliqua son maître. Pourquoi faites-vous ces horribles grimaces à table ?



– Chacun son goût, monsieur ; si j'aime les grimaces, moi ! dit M. Tappertit, un peu déconcerté ; et ce qui le déconcertait le plus, c'était d'avoir vu la fille du serrurier sourire.



– Sim, répliqua Gabriel en riant de bon cœur, pas de bêtises ; je voudrais vous voir devenir raisonnable. Ces jeunes gens, ajouta-t-il en se tournant vers sa fille, sont toujours à faire quelque folie. Il y a eu une querelle hier au soir entre Joe Willet et le vieux John, quoique je ne puisse pas dire que Joe fût tout à fait dans son tort. Un de ces matins on ne le trouvera plus là-bas ; il sera parti pour chercher fortune, et courir la prétentaine. Eh mais ! qu'y a-t-il, Doll ? c'est vous qui faites des grimaces maintenant. Allons, je vois bien que les filles ne valent pas mieux que les garçons !



– C'est le thé, dit Dolly en devenant tour à tour très rouge et très pâle (c'est toujours comme ça quand on se brûle), il est si chaud ! »



M. Tappertit fit de gros yeux à un pain de quatre livres qui était sur la table, et respira fortement.



« Est-ce tout ? répondit le serrurier. Mets dans ton thé un peu plus de lait. Oui, j'en suis fâché pour Joe, parce que c'est un brave jeune homme, qui gagne à être connu, mais il partira tout à coup, vous verrez. Il me l'a, ma foi ! dit lui-même.



– Vraiment, cria Dolly d'une voix faible, vraiment !



– Est-ce le thé qui vous chatouille encore le gosier, chère enfant ? » dit le serrurier.



Mais, avant que sa fille eût pu lui répondre, elle fut prise d'une toux importune, d'une espèce de toux si désagréable que, l'accès fini, des larmes sortaient de ses beaux yeux. Le bon serrurier était encore à lui donner de petites tapes sur le dos, et à lui prodiguer de doux remèdes de même nature, lorsqu'on reçut un message de Mme Varden. Elle faisait savoir à tous ceux que cela pouvait intéresser, qu'elle se sentait beaucoup trop indisposée pour se lever, après l'agitation et l'anxiété de la nuit précédente ; qu'en conséquence elle désirait qu'on lui procurât immédiatement la petite théière noire avec du bon thé bien fort, une demi-douzaine de rôties beurrées, une platée raisonnable de bœuf et de jambon en tranches minces, et le Manuel protestant en deux volumes in-douze. Comme quelques autres dames qui, dans les âges reculés, fleurirent sur ce globe, Mme Varden était d'autant plus dévote qu'elle était de moins bonne humeur. Chaque fois qu'elle et son mari se trouvaient, contre l'habitude, en mésintelligence, le Manuel protestant reprenait tout de suite faveur.



Sachant par expérience ce que cette requête voulait dire, le triumvirat dut se dissoudre. Dolly alla faire exécuter en toute hâte les ordres de sa mère ; Gabriel monta dans sa carriole pour aller dehors vaquer à quelque affaire, et Sim retourna à sa besogne journalière dans l'atelier, toujours avec ses gros yeux fixes, quoique le pain de quatre livres restât derrière lui sur la table.



Que dis-je ? ses gros yeux grossirent encore, et, lorsqu'il eut noué son tablier, ils étaient gigantesques. Ce ne fut pas avant de s'être plusieurs fois promené de long en large, les bras croisés, en faisant les plus grandes enjambées qu'il pouvait faire, et d'avoir écarté à coups de pied une foule de menus objets, que ces lèvres commencèrent à onduler. Enfin une sombre dérision parut sur ses traits, et il sourit, et en même temps il proféra avec un mépris suprême le monosyllabe « Joe ! »



« Je l'ai joliment fascinée avec mon œillade pendant qu'il parlait de ce garçon, dit-il ; voilà naturellement ce qui l'a rendue si confuse… Joe ! »



Il se repromena de long en large plus vite encore, et, s'il est possible, avec de plus grandes enjambées ; s'arrêtant quelquefois pour regarder un peu ses jambes, quelquefois pour éjaculer avec un geste terrible un autre « Joe ! » Au bout d'un quart d'heure ou environ, il reprit le bonnet de papier, et il essaya de travailler. Non, il ne pouvait venir à bout de rien faire.



« Je ne ferai rien aujourd’hui dit M. Tappertit en jetant par terre son ouvrage, que repasser. Je vais repasser tous les outils. Le métier de rémouleur va mieux à mon humeur. Joe ! »



Whir-r-r-r. La meule fut bientôt en mouvement, on vit jaillir une pluie d'étincelles : c’était l’occupation qu’il fallait à son esprit effervescent.



Whir-r-r-r-r-r.



« Ça ne se passera pas comme ça ! dit M. Tappertit, s’arrêtant d'un air de triomphe et essuyant sur sa manche sa figure échauffée Ça ne se passera pas comme ça. Je désire qu'il n'y ait pas de sang répandu. »



Whir-r-r-r-r-r-r-r.
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Zedhnomorph
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:09

tu peux pas faire *a suivre....* style ds 100ans histoire quon finissent de la lire
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:10

Aussitôt qu’il eut terminé les affaires du jour, le serrurier sortit seul pour visiter le gentleman blessé et s’assurer des progrès de son rétablissement. La maison où il l’avait laissé était dans une rue détournée de Southwark non loin de London-Bridge, et ce fut là qu’il se dirigea de toute sa vitesse, bien décidé à s’y arrêter le moins possible et à revenir se coucher de bonne heure.



La soirée était tempétueuse presque autant que celle de la veille. Un homme solide comme Gabriel avait de la peine à rester sur ses jambes au coin des rues ou à tenir tête au vent, qui se montrait parfois le plus fort et le repoussait en arrière de quelques pas ou, malgré toute son énergie, le forçait de s’abriter sous une voûte à l’entrée de quelque maison, jusqu'à ce que la bourrasque eût épuisé sa furie. De temps en temps un chapeau ou une perruque, ou l’un et l’autre arrivaient en filant et roulant, en gambadant devant lui follement, tandis que le spectacle plus sérieux de tuiles et d'ardoises qui tombaient, ou de masses de brique ou de mortier ou de morceaux de pierres de couronnement qui résonnaient sur le trottoir tout à côté de lui, et se brisaient en mille éclats n'augmentait pas le charme de son expédition, et ne rendait pas la route moins effrayante.



« Ce n'est pas amusant, pour un homme de mon âge, de faire une visite par une telle soirée ! dit le serrurier en frappant doucement à la porte de la veuve. J'aimerais mieux être dans l'encoignure de la cheminée du vieux John, ma parole !



– Qui est là ? » demanda du dedans une voix de femme. On lui répondit ; elle ajouta vite un mot de bienvenue, et la porte fut promptement ouverte.



Cette femme avait environ quarante ans, peut-être deux ou trois ans de plus, une physionomie riante et une figure qui autrefois avait été jolie. Elle portait des traces d'affliction et d'inquiétude, mais des traces déjà anciennes ; le temps les avait lissées. Quiconque n'avait accordé par hasard qu'un simple coup d'œil à Barnabé aurait reconnu que cette femme était sa mère. Leur ressemblance était frappante ; mais là où le visage du fils offrait l'égarement et le vide de la pensée, il y avait chez la mère ce calme patient qui est le résultat de longs efforts et d'une paisible résignation.



Une seule chose, dans sa figure, était étrange et saisissante. Vous ne pouviez pas la regarder, au milieu de son humeur la plus joyeuse, sans la reconnaître capable, à un degré extraordinaire, d'exprimer la terreur. Ce n'était point à la surface. Ce n'était pas non plus particulièrement dans un de ses traits ; vous ne pouviez prendre ni les yeux, ni la bouche, ni les lignes de la joue, et dire en les détaillant que cela tenait à quelqu'un d'eux pris à part. Il y avait plutôt, dans l'ensemble, je ne sais où, en embuscade, quelque chose qu'on ne voyait jamais que d'une manière obscure, mais qui était toujours là sans s'absenter jamais une minute. C'était l'ombre la plus faible, la plus fugitive, de quelque regard, expression soudaine, enfantée sans doute par un moment rapide d'intense et inexprimable horreur ; mais, si vague et faible que fût cette ombre, elle faisait deviner ce que cette expression avait dû être, et la fixait dans l'esprit comme l'image d'un mauvais rêve.



Plus faible, plus chétive, manquant de force et d'énergie, pour ainsi dire, à raison des ténèbres de son intelligence, la même empreinte s'était gravée dans la physionomie du fils. Si on avait vu cela dans un portrait, on aurait demandé la légende, on n'aurait pu regarder la toile sans être obsédé par une curiosité pénible. Les personnes qui connaissaient l’histoire du Maypole, et se souvenaient de ce qu’était la veuve avant l’assassinat de son mari et de son maître, n'avaient pas besoin d'explication. Outre la façon dont la malheureuse avait changé, on se rappelait que, quand son fils était né, le jour même où l'on avait su la nouvelle du double meurtre, il portait sur son poignet une marque semblable à une tache de sang mal effacée.



« Dieu vous garde ! voisine, dit le serrurier, en la suivant de l'air d’un vieil ami dans une petite salle à manger où brillait un bon feu.



– Et vous pareillement, répondit-elle avec un sourire. C’est votre excellent cœur qui vous a ramené ici. Rien ne peut vous retenir chez vous, je le sais de longue date s’il y a des amis à servir ou à consoler au dehors.



– Fi ! Fi ! répliqua le serrurier en se frottant les mains et les réchauffant. Voilà bien les femmes ! il ne leur faut pas grand'chose pour jaser. Comment va le malade, voisine ?



– Il dort maintenant. Il a été très agité vers le jour, et pendant quelques heures il s'est tourné et retourné douloureusement ; mais la fièvre l'a quitté, et le médecin dit qu'il sera bientôt guéri. Défense de le transporter avant demain.



– Il a eu des visites aujourd'hui, hein ? dit Gabriel avec finesse.



– Oui, M. Chester père est resté ici depuis que nous l'avons envoyé prévenir, et il ne faisait que de partir quand vous avez frappé.



– Pas de dames ? dit Gabriel en haussant les sourcils, et d'un air désappointé.



– Une lettre, reprit la veuve.



– Allons ! ça vaut mieux que rien ! cria le serrurier. Qui en était porteur ?



– Barnabé, naturellement.



– Barnabé est un bijou ! dit Varden. Il va et vient à son aise là où nous autres, qui nous croyons plus raisonnables que lui, serions fort embarrassés d'en faire autant. Il n'est pas à courir encore, j’espère ?



– Dieu merci, il est dans son lit. Comme il a été debout toute la nuit, vous savez et toute la journée sur pied, il était rompu de fatigue. Ah ! voisin, si je pouvais seulement le voir plus souvent aussi tranquille, si je pouvais seulement dompter cette terrible inquiétude !



– Cela viendra, dit le serrurier avec bonté ; cela viendra. Ne vous laissez pas abattre. Je trouve qu'il gagne en raison chaque jour. »



La veuve secoua la tête ; et, cependant, bien qu'elle sût que le serrurier cherchait à l'encourager, et qu'il ne parlait pas ainsi de conviction, elle éprouvait de la joie à entendre même cet éloge de son pauvre benêt de fils.



« Il finira par faire un homme d'esprit, continua le serrurier. Prenez garde que, quand nous deviendrons de vieux radoteurs, Barnabé ne nous fasse la nique. Je ne vous dis que ça. Mais notre autre ami, ajouta-t-il en regardant sous la table et autour du plancher, le plus fin matois de tous les matois, où donc est-il ?



– Dans la chambre de Barnabé, répliqua la veuve avec un sourire languissant.



– Ah ! c'est celui-là qui est un rusé compère, dit Varden en secouant la tête. Je serais bien fâché de parler de choses secrètes devant lui. Ah ! c'est ça un fameux gaillard. Je parie qu'il pourrait lire, écrire et compter, s'il voulait s'en donner la peine. Qu'est-ce que j'entends là ? N'est-ce pas lui qui tape à la porte ?



– Non, répondit la veuve ; c'était dans la rue, je pense. Écoutez ! oui. Encore ce bruit. Il y a quelqu'un qui frappe doucement au volet. Qui ce peut-il être ? »



Ils avaient parlé à voix basse, car le malade était couché au-dessus ; et, comme les murs et les plafonds étaient minces et légèrement bâtis, le son de leurs voix aurait, sans cette précaution, troublé son sommeil. La personne qui frappait, quelle qu'elle fût, avait pu se tenir fort près du volet sans rien entendre ; et voyant la lumière à travers les fentes, sans aucun bruit, elle avait bien pu croire qu'il n'y avait là qu'une seule personne.



« Quelque brigand de voleur, peut-être, dit le serrurier. Donnez-moi la lumière.



– Non, non, répondit-elle précipitamment : de tels visiteurs ne sont jamais venus à ce pauvre logis. Restez ici. Je suis toujours à même de vous appeler en cas de besoin. Je préfère y aller seule.



– Pourquoi ? dit le serrurier, laissant à contrecœur la chandelle qu'il avait prise de dessus la table.



– Parce que, je ne sais pourquoi, mais c'est plus fort que moi, répondit-elle. On frappe encore ; ne me retenez pas, je vous en supplie. »



Gabriel la regarda, grandement étonné de voir une personne d'ordinaire si calme et si tranquille en proie à une pareille agitation, et pour si peu de chose. Elle quitta la chambre et ferma la porte derrière elle. Un moment elle resta là, comme si elle hésitait, sa main sur la serrure. Dans ce court intervalle il y eut encore un petit coup donné ; et une voix tout près de la fenêtre, une voix dont le souvenir parut réveiller chez lui des idées désagréables, chuchota : « Dépêchez-vous. »



Ces mots furent prononcés à voix basse, mais distinctement, de cette voix qui arrive si vite aux oreilles de ceux qui dorment, et qui les réveille en sursaut. Un instant cela fit tressaillir le serrurier ; il se recula involontairement de la fenêtre et écouta.



Le vent grondant lourdement dans la cheminée ne lui permit pas trop d'entendre ce qui se passa ; mais il aurait affirmé que la porte de la rue avait été ouverte, que le pas d'un homme avait fait craquer le plancher, puis qu'il y avait eu un moment de silence, silence interrompu par quelque chose d'étouffé, qui n'était ni un cri perçant, ni un gémissement, ni un appel au secours, et qui cependant aurait pu être tout cela également ; et les mots : « Mon Dieu ! » prononcés d'une voix qu'il n'avait pas entendue sans un frisson.



Il s'élança aussitôt dehors. Enfin il la vit, cette terrible expression, celle qu'il connaissait si bien, pour l'avoir devinée, sans l'avoir vue auparavant sur la figure de la veuve. Elle était là debout, comme gelée sur le sol, les yeux effarés, les joues livides, chaque trait d'une fixité lugubre, à regarder l'homme qu'il avait rencontré dans la sombre nuit de la veille. Les yeux de cet homme se croisèrent avec ceux du serrurier. Ce ne fut qu'un éclair, un instant, un souffle sur une glace polie, et il n'était plus là.
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:11

Étonné à l'excès des événements qui s'étaient passés avec tant de rapidité et de violence, le serrurier contempla cette femme qui frissonnait sur sa chaise, de l'air d'un homme hébété ; il l'aurait contemplée beaucoup plus longtemps, si la compassion et l'humanité n'eussent délié sa langue.



« Vous êtes malade, dit Gabriel. Laissez-moi appeler quelque voisine.



– Non, pour tout au monde, répondit-elle en lui faisant signe de sa main tremblante et tenant sa figure encore détournée. C'est bien assez que vous vous soyez trouvé ici pour voir cela.



– Oui, plus qu'assez ; c'est trop ou trop peu, dit Gabriel.



– Soit, répliqua-t-elle. Comme vous voudrez. Pas de questions, je vous en supplie.



– Voisine, dit le serrurier après une pause, est-ce beau, est-ce raisonnable, est-ce juste envers vous-même ? Est-ce digne de vous, qui me connaissez depuis si longtemps et m'avez demandé conseil pour toutes sortes de choses ? digne de vous, à qui j'ai connu l'esprit vigoureux et le cœur ferme quand vous n'étiez encore qu'une enfant ?



– J'en ai eu grand besoin, répondit-elle. Je vieillis à la fois par les années et par les inquiétudes. C'est peut-être là une trop rude épreuve qui m'a énervé le cœur et affaibli l'esprit. Ne me parlez pas.



– Comment puis-je voir ce que j'ai vu, et me taire ? répartit le serrurier. Quel était cet homme, et pourquoi sa venue a-t-elle produit en vous ce changement ? »



Elle demeura silencieuse, mais se cramponna à la chaise comme pour s'empêcher de choir par terre.



« Je m'autorise d'une ancienne connaissance, Marie, dit le serrurier, car j'ai toujours eu la plus vive affection pour vous, et peut-être ai-je essayé de vous le prouver quand ça m'a été possible. Quel est cet homme de mauvaise mine, et qu'a-t-il à faire avec vous ? Quel est ce fantôme qu'on ne voit que par les nuits les plus noires et par de mauvais temps ? Comment connaît-il et pourquoi vient-il hanter cette maison, chuchotant à travers les fentes et les crevasses, comme s'il y avait entre lui et vous quelque chose dont ni l'un ni l'autre n'oserait parler tout haut ? Qui est-il ?



– Vous avez bien raison de dire qu'il hante cette maison, répliqua la veuve d'une voix languissante. Son ombre a plané sur elle et sur moi dans la lumière et dans les ténèbres, à midi et à minuit. Et maintenant, enfin, le voilà revenu en chair et en os.



– Mais il ne serait pas parti en chair et en os, répliqua le serrurier avec quelque irritation, si vous aviez laissé libres mes bras et mes jambes. Quelle énigme est ceci ?



– C'en est une, répondit-elle, et en même temps elle se leva, qui doit rester à jamais une énigme. Je n'ose pas vous en dire davantage.



– Vous n'osez pas ! répéta le serrurier confondu de surprise.



– Ne me pressez point. Je suis malade et faible, et toutes mes facultés vitales semblent mortes au dedans de moi. Non ! ne me touchez point non plus. »



Gabriel, qui s'était avancé de quelques pas pour la secourir, recula lorsqu'elle fit cette exclamation précipitée, et la regarda en silence avec un profond étonnement.



« Laissez-moi aller seule, dit-elle à voix basse, et que les mains d'un honnête homme ne touchent pas les miennes ce soir. » Quand elle eut marché en chancelant vers la porte, elle se retourna, et ajouta avec un violent effort : « N'oubliez pas que ceci est un secret qu'il faut, de toute nécessité, que je confie à votre honneur. Vous êtes un homme sûr. Comme vous avez toujours été bon et affectueux pour moi, gardez-le. Si vous entendez quelque bruit là-haut, excusez mon absence ; imaginez quelque prétexte ; dites n'importe quoi, sauf ce que vous avez vu en réalité, et que jamais un mot, un regard entre nous, ne rappelle cette circonstance. Je me fie à vous. Songez-y, je me fie à vous. Et jusqu'où va ma confiance en vous, jamais vous ne pourriez le concevoir. »



Fixant ses yeux sur lui un instant, elle s'éloigna et le laissa seul dans la chambre.



Gabriel, ne sachant que penser, se tenait debout, l'œil fixé sur la porte ; son visage était plein d'étonnement et d'épouvante. Plus il méditait sur ce qui venait de se passer, moins il pouvait y donner quelque explication favorable. Trouver cette femme veuve, dont la vie avait été supposée pendant tant d'années une vie de solitude et de retraite, et qui, par sa paisible résignation à ses douleurs, avait gagné l'estime et le respect de tous ceux qui la connaissaient, la trouver liée mystérieusement avec un homme sinistre, s'alarmant de son apparition, et pourtant l'aidant à s'échapper, c'était une découverte qui le peinait autant qu'elle l'effrayait. La pleine confiance qu'elle venait de montrer dans sa discrétion, et le consentement tacite qu'il y avait donné, augmentaient la détresse de son esprit. S'il eût parlé hardiment, s'il eût persisté à la questionner, s'il l'eût retenue quand elle s'était levée pour quitter la chambre, s'il eût fait une protestation quelconque, au lieu de se compromettre lui-même par son silence, comme il sentait bien s'être compromis, il aurait été plus à son aise.



« Pourquoi lui ai-je laissé dire que c'était un secret et qu'elle me le confiait ? dit Gabriel en mettant sa perruque sur un côté de sa tête pour se gratter d'une manière plus commode, et regardant le feu avec tristesse. Je n'ai pas plus de présence d'esprit que le vieux John lui-même. Pourquoi ne lui ai-je pas dit d'un ton ferme : « Vous n'avez pas le droit d'avoir de pareils secrets, et je vous somme de me dire ce que cela signifie ? » au lieu de rester bouche béante devant elle, comme un vieil imbécile que je suis ! Mais c'est bien là mon faible. Je sais, au besoin, résister obstinément à des hommes ; mais des femmes peuvent, quand elles le veulent, me rouler autour de leurs doigts comme le fil de leurs quenouilles. »



Il ôta tout à fait sa perruque en faisant cette réflexion, chauffa au feu son mouchoir, et commença de s'en frotter et polir sa tête chauve, jusqu'à ce qu'elle redevînt luisante.



« Et cependant, dit le serrurier que calmait cette douce opération et qui s'arrêta pour sourire, ce n'est peut-être rien. Quelque braillard d'ivrogne qui s'efforçait d'entrer dans la maison ; il n'en faudrait pas davantage pour alarmer une âme aussi tranquille que la sienne. Mais alors (et cette pensée le tourmentait), comment se fait-il que ce soit cet homme ? comment se fait-il qu'il ait cette influence-là sur elle ? comment se fait-il qu'elle l'ait aidé à m'échapper ? et plus que tout cela, comment se fait-il qu'elle ne m'ait pas dit que c'était une peur soudaine, et rien de plus ? » Triste chose que d'avoir en une minute à se défier d'une personne qu'on connaît depuis si longtemps, et d'une ancienne bonne amie, par-dessus le marché ; mais le moyen de ne pas le faire, lorsque tout cela vous frappe l'esprit !… « Est-ce Barnabé qui arrive là ?



– Oui ! cria-t-il en jetant un regard dans la chambre et faisant un signe de tête. Sans doute, c'est Barnabé. Comment l'avez-vous deviné ?



– Par votre ombre, dit le serrurier.



– Hoho ! cria Barnabé en lançant, un coup d'œil par-dessus son épaule, elle est bon enfant, cette ombre, de s'attacher à moi, quoique je ne sois qu'un insensé. Quel joyeux compagnon ! Nous sautons, nous nous promenons, nous courons, nous gambadons si bien sur l'herbe ensemble ! Quelquefois il est la moitié aussi haut qu'un clocher d'église, et quelquefois pas plus grand qu'un nain. Tantôt il va devant, tantôt derrière, et tout de suite il se dérobe avec adresse ; le voilà par ici, le voilà par là ; s'arrêtant lorsque je m'arrête, et croyant que je ne peux pas le voir, quoique j'aie l'œil sur lui, bel et bien. Ah ! c'est un joyeux compagnon. Dites-moi, est-il insensé aussi ?… Je crois qu'il l'est.



– Pourquoi ? demanda Gabriel.



– Parce qu'il ne se lasse jamais de se moquer de moi. Il ne fait que cela tout le long de la journée… Pourquoi ne venez-vous pas ?



– Où ?



– Là-haut. Il vous demande. Restez… À propos ; et lui, où est son ombre ? Voyons. Vous qui êtes un homme raisonnable, dites-moi ça.



– À côté de lui, Barnabé, à côté de lui, je suppose, répondit le serrurier.



– Non, répliqua-t-il en secouant la tête. Devinez encore.



– Elle est allée se promener, peut-être bien ?



– Il a changé d'ombre avec une femme, chuchota l'idiot à son oreille, et puis il recula d'un air de triomphe. Son ombre à elle est toujours avec lui, et son ombre à lui toujours avec elle. C'est un jeu, je pense, hein ?



– Barnabé, dit le serrurier d'un air grave, venez ici, mon garçon.



– Je sais ce que vous voulez me dire. Je sais ! répliqua-t-il en s'éloignant de lui. Mais je suis un malin, je me tais. Je ne vous dis qu'une chose : Êtes-vous prêt ? »



En achevant ces mots, il saisit la lumière, et l'agita sur sa tête avec un rire égaré.



– Doucement, bellement, dit le serrurier, déployant toute son influence pour le maintenir calme et paisible. Je croyais que vous étiez allé dormir.
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bob
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bob


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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 12:12

voila la suite sa semaine prochaine bonne lecture Smile pour ceux qui n'aiment pas la lecture je fait peut etre faire un résumer de 10 page a la fin
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Ccd-Tof
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 13:31

C'est pas un peu long sa O_o ??
bref je vais la lire quand j'aurai le temp lol
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Shadow king
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 15:24

je pense que je vais la lire plus tard aussi.
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Posteur aquéri
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 15:57

té mieux faire un résumer a la place de taper le roman aux complet
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Shadow king
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MessageSujet: Re: histoire d'horreur   histoire d'horreur EmptyJeu 27 Oct à 17:24

Ouais chu d'accord,Ta quaisement écrit un livre.
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